Un récent rapport de Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens, décrit le rôle des entreprises dans la politique criminelle d’Israël. Au moins « un millier » d’entre elles, en prêtant main-forte à son entreprise colonialiste et génocidaire, se rendent complices de ses crimes.
« De l’économie de l’occupation à l’économie du génocide ». Le titre du rapport remis à l’ONU, le 30 juin dernier, par la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la Palestine et les territoires occupés est explicite. Sur une quarantaine de pages, Francesca Albanese pointe la complicité des entreprises – de tous secteurs, de tous pays, qu’elles soient publiques ou privées – dans la perpétuation du régime « d’occupation, d’apartheid et à présent de génocide » imposé, par Israël, au peuple palestinien.
La rapporteuse identifie plusieurs secteurs clés dans lesquels le rôle de ces entreprises est particulièrement crucial. À commencer par le domaine militaire, où le complexe militaro-industriel est florissant. Dominé par les sociétés israéliennes Elbit Systems et Israel Aerospace Industries, pour lesquelles « le génocide en cours est une entreprise rentable », ce secteur a bénéficié d’une « hausse de 65 % des dépenses militaires israéliennes entre 2023 et 2024, s’élevant à 46,5 milliards de dollars », indique le rapport.
IBM, Microsoft, Caterpillar, Volvo, Hyundai…
Dans les domaines de la surveillance et de l’emprisonnement, IBM et Microsoft sont particulièrement actives, notamment pour ficher et surveiller les Palestiniens. Maisons, mosquées, hôpitaux, écoles : la colonisation passe aussi par la destruction des bâtiments de ces derniers. Pour y parvenir, le gouvernement israélien peut compter, depuis des décennies, sur les engins de l’entreprise Caterpillar, qui, en 2025, « a obtenu un autre contrat de plusieurs millions de dollars avec Israël ». Volvo et Hyundai, elles aussi, « ont continué d’approvisionner le marché malgré de nombreuses preuves de l’usage criminel » de leurs engins.
Après la destruction, « la reconstruction sur des terres volées » nécessite, elle aussi, une multitude d’interventions. « De novembre 2023 à octobre 2024, Israël a établi 57 nouvelles colonies et avant-postes avec l’aide d’entreprises israéliennes et internationales fournissant machines, matière première et logistique », relate le rapport. Parmi elles, la German Heidelberg Materials AG, qui, par l’intermédiaire de sa filiale Hanson Israel, « a contribué au pillage de millions de tonnes de roche dolomite de la carrière de Nahal Raba, sur des terres saisies dans les villages palestiniens de Cisjordanie », pointe le rapport.
Autre acteur de cette spoliation, le groupe immobilier Keller Williams Realty LLC. Par l’intermédiaire de son franchisé Home in Israel, « il a organisé un road-show immobilier au Canada et aux États-Unis, parrainé par plusieurs entreprises, développant et commercialisant des milliers d’appartements dans les colonies ». Airbnb et Booking.com, elles aussi, sont citées dans le rapport.
Le soutien des grandes banques
Pour assurer et étendre son emprise sur les ressources naturelles des territoires illégalement confisqués, Israël s’appuie sur plusieurs sociétés. Mekorot dispose, sur l’ensemble du territoire, du monopole de la distribution de l’eau et ne se prive pas de rationner les Palestiniens. Pour l’élevage et l’agriculture, ce sont les sociétés Tnuva – détenue majoritairement par Chinese Bright Food – et Netafim – détenue à 80 % par une société mexicaine – qui décident de l’irrigation – ou non – des terres. Ainsi, dans la vallée du Jourdain, « Netafim a facilité l’expansion des cultures israéliennes tandis que les fermiers palestiniens, eux, se voyaient refuser l’accès à l’eau – 93 % de leurs terres ne sont pas irriguées », indique le rapport.
Pour mener à bien cette politique illégale d’expropriation, de confiscation, d’occupation et d’élimination, l’État d’Israël peut compter sur le soutien de grandes banques. BNP Paribas et Barclays « sont intervenues pour renforcer la confiance des marchés en souscrivant des obligations d’État internationales et nationales, permettant ainsi à Israël de contenir le problème des taux d’intérêt, malgré une dégradation de sa note de crédit », souligne le rapport. « Les sociétés de gestion d’actifs, notamment BlackRock (68 millions de dollars), Vanguard (546 millions de dollars) et Pimco, la filiale de gestion d’actifs d’Allianz (960 millions de dollars), figuraient parmi les quelque 400 investisseurs de 36 pays qui les ont achetés. »
Autres acteurs clés : les fonds souverains et les fonds de pension. Ceux du gouvernement norvégien, qui se targue pourtant d’être éthique, auraient ainsi augmenté leurs investissements dans les compagnies israéliennes de 32 % après octobre 2023. « À la fin 2024, le fonds de pension du gouvernement norvégien avait investi 121,5 milliards de dollars – soit 6,9 % de sa valeur totale – dans des compagnies citées dans ce rapport. » Lundi, ce même fonds annonçait exclure de ses investissements six sociétés israéliennes liées à la Cisjordanie et à Gaza.
Elisabeth Fleury
L'Humanité du 18 août 25
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