![]() |
Une grande journée de mobilisation et de grève a eu lieu ce dimanche en Israël, à l’appel du Forum des familles d’otages dans environ 90 municipalités.©Menahem Kahana / AFP |
Aux premières heures, ce dimanche 17 août, Israël s’est progressivement immobilisé. Les manifestants sont parvenus à bloquer plusieurs axes du pays, notamment l’autoroute interurbaine Ayalon et la voie entre Tel-Aviv et Jérusalem, où des feux de joie ont été allumés. La journée nationale de grève, à l’appel du Forum des familles d’otages et menée par d’innombrables cercles militants, a démarré en fanfare.
Environ 90 municipalités – dont la plus importante, celle de Tel-Aviv-Jaffa –, trois universités, l’ensemble du mouvement des kibboutzim, le barreau, de nombreuses entreprises de haute technologie, plusieurs petits syndicats des secteurs médicaux, juridiques et journalistiques, ainsi que d’innombrables entreprises privées, se sont joints à la grève.
Par crainte que le tribunal du travail ne contrecarre toute tentative de déclencher une grève publique en la qualifiant d’illégale, le Histadrout, principal syndicat du pays, s’est quant à lui abstenu d’y participer. La plupart des services publics sont donc restés ouverts.
À la mi-journée, 22 personnes arrêtées
Cette initiative s’est davantage apparentée à une journée nationale de perturbation massive qu’à une grève nationale classique. Le principal catalyseur de cette initiative résidait dans le projet de Netanyahou d’envahir la ville de Gaza. Le Likoud, parti de droite au pouvoir, a aussitôt tenté de jeter l’opprobre sur les participants. « La grève éloigne la libération des otages et promet un deuxième 7 Octobre », a martelé le premier ministre ce 17 août.
Des manifestants qui feraient le jeu du Hamas ? Le nouveau président de la commission des Finances, Hanoch Milvidsky, a osé le parallèle, qualifiant les rassemblements d’« émeutes en faveur du Hamas ». À la mi-journée, 22 personnes avaient été arrêtées.
Cela n’a pas empêché des dizaines de milliers de personnes de prendre part à différentes manifestations, marches et actions directes alors que le rassemblement principal devait se tenir dans la soirée. Lishay Miran-Lavi, dont le mari, Omri Miran, est retenu à Gaza, prévient que le mouvement n’en est qu’à ses prémices : « Nous sommes renforcés par le soutien de la population et nous prévoyons d’intensifier la lutte jusqu’à ce que tous les otages soient rentrés. » Ceux qui pensaient que la société israélienne était monolithique, unie derrière la politique de guerre sans fin de Netanyahou, ont eu tort.
Appels à sauver « les otages et les soldats », sans mention des Palestiniens.
Une question demeure cependant : quelle est la place des Palestiniens, victimes de massacres, dans ce mouvement d’opposition de masse ? Samedi soir, Einav Zangauker, la mère de Matan, enlevé chez lui dans le kibboutz Nir Oz, expliquait : « Israël doit mettre fin à la campagne (militaire) qui tue les otages. L’État d’Israël n’est pas synonyme de son gouvernement – il s’agit avant tout de vous, le peuple. Le peuple a le pouvoir et doit l’utiliser pour y mettre fin. »
Même parmi ceux qui appellent explicitement à la fin des hostilités, la solidarité avec le peuple de Gaza reste rare ; les mentions de crimes de guerre et d’accusations de génocide demeurent taboues. Vingt-deux mois après le début de la guerre, les principales bannières sous lesquelles le Forum des familles se rassemble sur la « place des Otages » appellent à sauver « les otages et les soldats », sans mentionner les Palestiniens.
Les refus à la conscription militaire deviennent courants
La journée de grève promettait de perturber la vie quotidienne des Israéliens mais l’effacement de la souffrance palestinienne prévaut. Face à cela, Hadash, le Front démocratique pour la paix et l’égalité et la Ligue de la jeunesse communiste ont appelé leurs membres à radicaliser la grève de l’intérieur « non seulement pour les otages, mais pour la vie elle-même. Une vie libre de guerres sans fin, de destruction, de haine et d’effusions de sang ».
Pendant des mois, le Partenariat pour la paix, qui regroupe des dizaines d’organisations et d’associations, s’est joint aux manifestations, mettant en avant des questions telles que la famine, les victimes civiles et l’anéantissement de la société gazaouie.
Ces dernières semaines, ses messages ont été accueillis plus favorablement par les manifestants. Ainsi, les appels au refus de la conscription militaire, auparavant marginaux, sont de plus en plus courants ; les veillées organisées pour humaniser les victimes palestiniennes attirent des foules plus importantes et les accusations de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de violence des colons sont désormais avancées par d’anciens généraux ou premiers ministres.
Amnon Brownfield Stein
L'Humanité du 17 août 2025
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire