Des personnes extraient de l’eau d’un puits dans le camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le samedi 21 octobre 2023. © Ismael Mohamad/UPI/ABACAPRESS.COM |
L’eau est une denrée quasi inaccessible dans la bande de Gaza. Sous le son des bombardements par l’armée israélienne qui ont succédé aux attaques terroristes de la branche armée du Hamas le 7 octobre, Mohammed1 nous raconte son quotidien. Quand il le peut, ce commerçant d’une quarantaine d’années, habitant dans la partie sud du territoire, s’installe sur le bord de la route.
Il aligne 4 énormes casseroles dans lesquelles cuisent du riz et du poulet. « L’eau est récupérée grâce aux camions-citernes qui circulent et nous délivrent la denrée dans les quartiers les plus sinistrés », raconte-t-il avant de s’interrompre pour aller se réfugier. Une fois les frappes terminées, Mohamed reprend : « J’ai pu faire don de 250 repas pour les personnes fuyant leur logement détruit jeudi dernier. »
Dans cette partie de la bande de Gaza, la réserve d’eau a été réapprovisionnée par Israël et l’eau circule dans les canalisations encore opérationnelles. Mohammed est très inquiet : « La réserve ne cesse de diminuer. Il reste moins de sept jours de ravitaillement. »
Chaque habitant consomme entre 5 à 10 litres d’eau quotidiennement, d’abord pour s’hydrater, mais également pour l’hygiène. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère 50 litres en moyenne par jour et par personne comme étant la norme et 20 litres comme le strict minimum.
Un risque sanitaire
Depuis le 7 octobre, les Gazaouis ont très largement réduit leur consommation qui déjà était considérée comme très faible par l’ONU. Néanmoins, Mohammed « fait confiance aux autorités pour la qualité de l’eau ». Une eau puisée, fortement polluée par des nitrates qui nécessiterait un traitement coûteux. Les filtres et les produits de traitements venant à manquer, l’ONU s’inquiète des maladies infectieuses (diarrhée, dysenterie, …) qui peuvent aisément se propager par cette eau.
L’agence française du développement a participé au financement d’une centrale de traitement des eaux usées qui a été inaugurée en 2022. L’Europe a également mobilisé un budget de 28 millions d’euros pour la station d’épuration et 500 000 euros pour étendre au sud le réseau d’assainissement.
Les pannes d’électricité qui ont toujours constitué l’un des défis de l’enclave palestinienne, se sont aggravées avec les bombardements, mettant à l’arrêt la plupart des stations. Selon l’agence onusienne des affaires humanitaires OCHA, la plupart des 65 stations de pompage des eaux usées ne sont pas ou plus opérationnelles.
Les infections et l’apparition de diarrhées peuvent être des conséquences d’une absence d’eau conforme. Originaire de Belgique et d’Égypte, Nabila, la quarantaine, tente « de fournir de l’aide à la population palestinienne » avec l’association méruvienne pour la Palestine (AMPP60) dont la collecte en ligne vient d’être close par les autorités françaises.
L’organisation qui travaille dans le nord de la bande de Gaza a lancé un programme : « De l’eau pour tous. » Nabila témoigne sur X (ex-Twitter), depuis deux semaines, elle sert de lien avec une population en détresse et en manque de tout. « Les dons permettent justement de fournir les médicaments, l’eau désalinisée et de la nourriture. »
L’association fournit également des abris aux familles, sans logement. Mais l’eau reste l’urgence. Nabila explique qu’elle a « vu le nombre de stations de dessalinisation s’effondrer depuis le 7 octobre. Des cinq vendeurs avec lesquels on avait pris l’habitude de fournir les écoles, il ne reste plus qu’un seul fournisseur. L’un a décidé de partir vers le sud et trois autres ont été bombardés ». Du coup, chacun est à la recherche de solutions. À l’occasion de ses trajets dans Gaza, elle a loué les services d’un camion afin d’approvisionner une école chrétienne orthodoxe qui abrite plus de 150 familles.
« Si les gens ne meurent pas à cause des frappes de l’armée de l’air israélienne, ils mourront à cause de la pollution ou de la propagation de maladies infectieuses », juge l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient).
La nappe phréatique subie les infiltrations d’une agriculture intensive d’un côté et de la mer Méditerranée de l’autre. En plus de tout faire pour survivre aux bombardements, les Gazaouis doivent donc désormais composer avec une eau de plus en plus rare.
L'Humanité du 23 octobre 2023
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