Brouilleurs, vidéosurveillance, détecteurs de métaux, cyber-policiers... Le baccalauréat 2017 en Algérie, dont les épreuves débutent dimanche, est placé sous surveillance renforcée pour éviter que se répète la fraude massive de l'an passé.
En 2016, la triche avait été d'une telle ampleur que le Premier ministre de l'époque l'avait qualifiée "d'atteinte à la sécurité de l'Etat".
Selon la presse, plus de 1.000 candidats avaient été exclus des salles d'examen pour y être entrés avec un téléphone portable.
Des dizaines de cadres, d'enseignants et de responsables de centres d'examen avaient été arrêtés, soupçonnés d'avoir fait fuiter des sujets, certains largement diffusés sur les réseaux sociaux avant l'examen.
Faute de sujets de réserve, plus de la moitié des candidats avaient été contraints de repasser certaines épreuves. Et pour éviter toute nouvelle fuite, les autorités avaient carrément bloqué l'accès aux réseaux sociaux dans tout le pays, dès la veille et durant les quatre jours des épreuves.
Si la ministre algérienne de l'Education, Nouria Benghabrit, a écarté cette année tout nouveau blocage des réseaux sociaux -qui avait provoqué l'ire des Algériens en 2016-, elle a assuré que les conditions étaient réunies pour éviter toute nouvelle tricherie à grande échelle.
Des brouilleurs de télécommunications et des équipements de vidéo-surveillance ont été installés dans les centres d'impression des sujets.
Les sites d'examen seront privés de wifi et d'accès à internet et les quelque 700.000 candidats seront soumis à l'entrée au "détecteur de métaux et d'appareils électroniques", a indiqué le ministère à la presse.
En plus des 15.000 policiers qui assureront comme chaque année la sécurité des centres d'examen, "des équipes spécialisées dans la lutte contre la cybercriminalité" se chargeront de "suivre les activités des utilisateurs des réseaux sociaux, contrer toute tentative de fuite des sujets en un temps record et poursuivre les contrevenants", a expliqué la Direction générale de la Sûreté nationale.
Et, en cas de nouvelle fuite, des sujets de réserve sont, cette fois-ci, prêts.
Mais la sécurisation des sites d’examens ne peut être qu'une "solution conjoncturelle et non définitive", estime Meziane Meriane, enseignant et dirigeant syndical.
Pour lui, le "problème est sociétal": la société algérienne actuelle encourage "la réussite au moindre effort" au détriment de l'idée que le "travail mène à la réussite".
"Il n'est pas possible de mettre un policier derrière chaque candidat", renchérit Yacine Oulmouhoub, inspecteur de l’Education nationale, inquiet de l'aggravation du problème de la triche depuis 15 ans, sans véritable mesure pour l'endiguer.
La fraude est devenue "une pratique courante" et généralisée, touchant jusqu'à l’université, abonde Idir Achour, enseignant dans un lycée de Bejaïa (est d'Alger) et dirigeant syndical.
Devant leur établissement, un groupe de lycéens d’Alger interrogés par l'AFP l'admettent sans complexe: "Tricher? Normal!", lancent-ils en s'esclaffant.
Ces adolescents de tous milieux sociaux -pour certains enfants d'enseignants- estiment "absurde" de gaspiller du temps à apprendre des "matières non essentielles".
Samir, 16 ans, jean taille basse et cheveux rasés sur les côtés, relate comment, lors des compositions, il détourne l’attention du surveillant pendant que son camarade récupère dans son cartable un brouillon préparé à la maison.
Imène, 17 ans, yeux soulignés au khôl et voile mauve assorti à sa jupe, admet placer des antisèches dans la doublure de sa trousse.
Certains vont jusqu'à utiliser leur smartphone pour se faire communiquer les réponses de l'extérieur, parfois par leurs parents. Certains parents achètent même des sujets de composition voire d'examen officiel auprès de professeurs peu scrupuleux.
Idir Achour voit dans ce phénomène "le reflet de la corruption qui existe dans la société" algérienne. Une société gangrénée par les détournements de fonds, les pots-de-vin, la fraude électorale, le favoritisme et le clientélisme, selon des enseignants et des sociologues interrogés par l'AFP.
Pour Sofiane, lycéen de 17 ans, les détecteurs de métaux à l'entrée des centres d'examen sont comme les "vortex" du film de science-fiction Stargate, des portes virtuelles permettant de passer d'un monde à l'autre.
Cette année, les candidats au bac devront "franchir le vortex pour entrer dans un monde sans triche. Un monde virtuel", ironise-t-il.