| Percival Everett, « James », Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-Laure Tissut, L’Olivier, Paris, 2025, 288 pages, 23,50 euros. |
Dans le récit d’Everett, Huck est secondaire, c’est James qui importe, cet homme qui dissimule son savoir et ses pensées sous l’apparence de l’inculte docile qu’attendent les maîtres, cet amoureux de Voltaire qui démonte les prétendues évidences, mais que son statut de dominé absolu oblige à passer par une succession d’états, loué et sous-loué tour à tour à un maître de forge, un propriétaire de scierie… Jusqu’à être acheté par une troupe de musiciens blackface, les Virginia Minstrels, un groupe qui a réellement existé dans les années 1840, dirigé par Dan Emmett, personnage secondaire du roman. James intègre la troupe, sous la houlette de l’autre Noir de l’équipe, qui l’initie au travestissement : « Voilà que, tous les douze, nous descendions d’un pas martial la rue principale qui séparait la partie libre de la ville de la partie esclavagiste, dix Blancs en blackface, un Noir se faisant passer pour Blanc et grimé de noir, et moi, un Noir à la peau claire grimé de noir de façon à donner l’impression d’être un Blanc essayant de se faire passer pour Noir. »
Le chemin de James emprunte alors un tourbillon d’identités contrastées et contrariées, qui désarçonne les Blancs… On ne dévoilera pas comment James règle leur compte à deux personnages emblématiques, Huck et le vieux juge Thatcher, raciste et fier de sa culture, et on laissera le lecteur découvrir comment le roman se conclut sur une défaite (provisoire) des maîtres et possesseurs… Everett a reçu le prix Pulitzer (fiction) en 2025 pour cette version satirique, ludique, émouvante et drôle des Aventures… Il n’est pas indispensable d’avoir lu Twain pour apprécier.
Bernard Daguerre
Le Monde-Diplomatique - Janvier 2025
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