Énième « plan de Paix » : entre Téhéran et Gaza, Trump et Netanyahou louvoient

 

Les deux chefs d’État se sont retrouvés dans la luxueuse résidence de Donald Trump à Palm Beach le 29 décembre 2025 pour discuter du « processus de paix » imaginé par ce dernier.© Jim WATSON / AFP
Lundi soir, le président états-unien a reçu le premier ministre israélien, qu’il a salué comme un « héros de guerre », avant d’échanger sur la situation dans la région. Malgré un mandat d’arrêt de la CPI, le chef du gouvernement israélien a pu traverser l’espace aérien français pour se rendre outre-Atlantique.

Trump et Netanyahou. Netanyahou et Trump. Les deux hommes sont comme des étoiles doubles. Ils sont pourvus de leur propre mouvement mais en constante interaction pour stabiliser leur modèle moyen-oriental, chacun s’adaptant à l’autre quand il le faut pour que le système ne s’effondre pas.
Le menu de cette énième rencontre – inutile de les compter – cette fois dans la résidence du président des États-Unis, en Floride, n’avait pas été officiellement communiqué mais, enfin, on se doutait bien qu’il s’agissait avant tout de trouver un moyen, pour l’un comme pour l’autre, de sortir de l’enlisement dans lequel se trouve la région tout entière, malgré les engagements et, surtout, le fameux plan Trump en 20 points annoncé fin septembre pour la bande de Gaza.
Si la phase 1 s’est trouvée mise en place dans les grandes lignes (retour des captifs israéliens, morts ou vivants, et libération de prisonniers palestiniens), le cessez-le-feu qui l’accompagne relève de plus en plus de la fragilité. Moins à cause de ses violations que dans ses dispositions.

Israël mine toute tentative de stabilisation internationale
Or, pour accélérer le dit « processus de paix », il convient d’en consolider les bases. Notamment favoriser tout redéploiement devant aboutir à un retrait total de l’armée israélienne alors que se mettrait en place une force internationale de stabilisation, l’ensemble étant chapeauté par un Conseil de la paix présidé par Trump lui-même.
C’est ce qu’a approuvé le Conseil de sécurité des Nations unies par sa résolution 2 803 du 17 novembre dernier. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir les deux pays les moins respectueux de l’ONU, États-Unis et Israël, se servir de cet organe international comme d’un sceptre dont eux seuls auraient l’usage.
En l’état, la situation est donc la suivante. À Gaza, rien n’avance. Les Israéliens occupent toujours 53 % du territoire palestinien qu’ils ont coupé dans le sens nord sud jusqu’à la ville de Rafah, collée à la frontière égyptienne, qu’ils contrôlent.
La très grande majorité des quelque 2 millions de Palestiniens s’entassent dans moins de 47 % de l’enclave, sans possibilité de reconstruction de leurs habitats, soumis aux intempéries. Une zone où, en réalité, évolue toujours le Hamas. Un bon prétexte pour Tel-Aviv, qui estime que ses troupes ne peuvent se retirer justement à cause de cette présence.
Parallèlement, Israël bloque toute possibilité de mise sur pied de cette fameuse force de stabilisation internationale. D’abord en renâclant quant à sa composition, refusant notamment la présence de l’armée turque. Et en estimant que cette force de stabilisation devrait désarmer le Hamas. Ce que refusent les pays acceptant de s’engager, qui craignent que ce mandat ne les transforme en force d’occupation.
Le mouvement islamiste palestinien, de son côté, se dit prêt à discuter du gel ou du stockage de son arsenal. « Notre peuple se défend et ne renoncera pas à ses armes tant que l’occupation perdurera, il ne se rendra pas, même s’il doit se battre à mains nues », a fait savoir Abou Obeida, le nouveau porte-parole des brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du mouvement.
Autre paramètre utilisé par les Israéliens : la représentation palestinienne. Pas question d’OLP ni d’Autorité palestinienne. Les Palestiniens formeraient un comité « technocratique et apolitique » chargé de la gestion quotidienne de Gaza, sous la supervision du Conseil de la paix.

Remettre le dossier de l’Iran sur la table
Pour Donald Trump, le but est clair. Il ne s’agit pas de parvenir à la mise sur pied d’un État palestinien viable (dans les frontières de 1967 avec un continuum entre Gaza et la Cisjordanie, Jérusalem-Est comme capitale), mais de finaliser la normalisation des pays arabes – particulièrement l’Arabie saoudite – avec Israël. Il a donc besoin d’accélérer le processus.
Benyamin Netanyahou, lui, ne joue pas exactement sur le même terrain. Il est en pleine annexion de la Cisjordanie où les constructions de nouvelles colonies se multiplient, le ministre suprémaciste Bezalel Smotrich encourageant la violence des colons et de l’armée contre les populations civiles alors qu’à Jérusalem-Est, son complice d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, multiplie les provocations sur l’esplanade des Mosquées pour en finir avec le statu quo. Celui-ci instruit que, depuis 1967, seuls les musulmans ont le droit d’y prier, les juifs n’étant autorisés qu’à visiter les lieux.
C’est pourquoi en se rendant en Floride, le premier ministre israélien a pris soin d’y placer un dossier essentiel pour lui : l’Iran avec quelques nouvelles options de guerre. Ce qui lui permettra de détourner l’attention sur Téhéran pour ne pas toucher à Gaza. Ce qui ne manque pas de surprendre alors qu’au mois de juin, la « guerre de 12 jours » menée par Washington et Tel-Aviv aurait « anéanti » le programme nucléaire iranien.
On comprend mieux le flou entretenu au début de l’été quant aux finalités réelles et aux perspectives diplomatiques. Ce flou permet à Netanyahou d’entretenir son mythe de Sisyphe. C’est d’autant plus simple que le président iranien, Masoud Pezeshkian, a déclaré le 28 décembre, soit la veille de la rencontre, dans une interview publiée sur le site officiel du guide suprême iranien Ali Khamenei : « Nous sommes en état de guerre globale avec les États-Unis, Israël et l’Europe. »
Ce faisant, le chef du gouvernement israélien sait qu’il peut obtenir de son ami Trump quelques concessions s’agissant du processus de Gaza, tout en continuant à agiter la menace iranienne. De quelle manière les deux hommes vont-ils se distribuer les cartes ?
Trump peut rechercher des moyens d’accélérer ce qu’il appelle le processus de paix, alors que le dirigeant israélien est accusé de ne pas inciter son camp à progresser suffisamment vite. Mais, jusqu’à présent, on a plutôt eu l’impression du contraire. D’autant que Netanyahou détient toujours dans sa manche l’instabilité au Liban et en Syrie, deux pays particulièrement importants aux yeux des États-Unis.
Et si, Floride oblige, il ne s’agissait que de golf dont la règle édicte : « Jouez la balle là où elle repose, jouez le parcours tel qu’il est et si vous ne pouvez faire ni l’un ni l’autre, faites ce qui est juste » ?

Pierre Barbancey
L'Humanité du 29 décembre 25

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire