| Le ministre israélien de la défense, Bezalel Smotrich (au centre), au Parlement israélien, à Jérusalem, le 13 octobre 2025. CHIP SOMODEVILLA / AFP |
Depuis son arrivée au pouvoir, fin 2022, au sein de la coalition dirigée par Benyamin Nétanyahou, l’extrême droite nationaliste et religieuse déroule son agenda sur la Cisjordanie occupée, porté par deux ministres, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, dont les portefeuilles ministériels leur donnent des pouvoirs considérables sur la sécurité et sur les colonies. Une politique imaginée, conçue et mise en œuvre bien avant l’attaque terroriste conduite par le Hamas le 7 octobre 2023 en bordure de Gaza.
La pensée de l’extrême droite avait notamment été formulée par Bezalel Smotrich, un des leaders du mouvement sioniste religieux, dans un texte écrit en 2017, intitulé « Un plan décisif ». L’idée est radicale : « étouffer dans l’œuf » tout espoir et toute perspective pour les Palestiniens. « L’affirmation selon laquelle “le terrorisme découle du désespoir” est un mensonge. Le terrorisme découle de l’espoir, l’espoir de nous affaiblir (…), l’espoir d’atteindre un objectif : saper la société israélienne et la contraindre à accepter la création d’un Etat arabe à l’intérieur des frontières de la terre d’Israël », analysait-il. « Si l’on supprime la cause, ou si l’on fait en sorte qu’elle semble inutile, les motivations qui alimentent la terreur s’estomperont ; et avec elles, si Dieu le veut, la terreur elle-même », soulignait M. Smotrich, dont les propos font écho à la situation actuelle dans les territoires occupés de Cisjordanie.
Le leader de l’extrême droite faisait des colonies juives la colonne vertébrale de son projet. « La victoire par la colonisation imprimera dans la conscience des Arabes et du monde entier l’idée qu’un Etat arabe ne verra jamais le jour sur cette terre », indiquait-il. Formé avec le Likoud, qui défend des thèses similaires, le gouvernement composé fin 2022 autour de Benyamin Nétanyahou a repris cette ambition. « Le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les parties de la terre d’Israël. Le gouvernement encouragera et développera la colonisation de toutes les parties de la terre d’Israël », stipulait l’accord de coalition.
Enjeu politique
M. Smotrich a notamment obtenu de prendre la main sur une partie des compétences jusque-là détenues par l’armée pour les colonies, tandis que M. Ben Gvir prenait le contrôle de la police. D’apparence technique, l’enjeu est profondément politique. « Avec l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, nous avons vécu un basculement. Ils veulent corriger deux erreurs majeures à leurs yeux : les accords d’Oslo, qui faisaient exister l’Autorité palestinienne, et les retraits forcés de colonies juives à Gaza et dans le nord de la Cisjordanie en 2005. Pourquoi ? Parce que cela autorisait les Palestiniens à rêver d’un Etat. Leur approche, c’est de mettre fin au conflit en nous supprimant tout espoir », explique Abed Badawi, proche du leader palestinien Marwan Barghouthi, qu’il a connu en prison, aujourd’hui analyste politique à Ramallah.
De fait, les ministres ont utilisé toutes leurs ressources pour tenter de rendre irréversible la colonisation de la Cisjordanie, qu’ils appellent Judée et Samarie en référence à la Bible, multipliant les annonces de construction de colonies, de routes et d’infrastructures pour les habitants juifs. « Le régime israélien est passé de promesses rhétoriques à des mesures concrètes en Cisjordanie, suivant deux voies parallèles : réprimer la vie politique et nationale palestinienne, et consolider la “souveraineté” israélienne, y compris à l’est de Jérusalem », souligne l’ONG palestinienne Badil dans une analyse publiée en octobre.
La Palestine apparaît de plus en plus morcelée. Là aussi, l’idée était explicitement défendue par M. Smotrich pour affaiblir un peu plus l’hypothèse d’un Etat. « Les Arabes d’Hébron ne sont pas comme les Arabes de Ramallah, qui ne sont pas comme les Arabes de Naplouse, qui ne sont pas comme les Arabes de Jéricho », écrivait le leader d’extrême droite en 2017 pour réfuter l’existence même d’un peuple palestinien.
Par Luc Bronner
Le Monde du 10 décembre 25
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