Donald Trump met ses désaccords avec Benyamin Nétanyahou de côté et avertit le Hamas et l’Iran

 

       Benyamin Nétanyahou et Donald Trump, à la résidence de Mar-a-Lago, à Palm Beach (Floride), le 29 décembre 2025. JOE RAEDLE/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP
Alors que Washington a récemment manifesté son agacement quant au blocage du plan de paix à Gaza, les deux dirigeants ont affiché une grande proximité, lundi, en Floride, le président américain rappelant le mouvement palestinien à ses obligations et menaçant Téhéran à propos d’une éventuelle relance de son programme nucléaire.

Benyamin Nétanyahou a obtenu ce qu’il était venu chercher à Palm Beach (Floride) auprès de Donald Trump : un grand bol de répit. Alors que la pression sur le premier ministre israélien s’accroît de toutes parts ces derniers temps, et que même Washington, l’allié indéfectible, avait fait savoir son agacement quant au blocage de plusieurs dossiers, à commencer par celui du plan de paix à Gaza, les deux dirigeants ont affiché une grande proximité devant la presse à la sortie de leur déjeuner, lundi 29 décembre.

Le président américain a jugé qu’il y avait « très peu de différences » entre eux. « Nous n’avons jamais eu d’ami comme le président Trump à la Maison Blanche », a rétorqué Benyamin Nétanyahou, réservant une surprise à son hôte, qui ne dédaigne jamais les honneurs : la remise du prix Israël, prestigieuse récompense normalement dévolue à des citoyens de l’Etat Hébreu.

Le menu des discussions à Mar-a-Lago, le club privé de Donald Trump, était chargé. Donald Trump, qui avait reçu le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, la veille dans une configuration similaire, était entouré de Marco Rubio, le secrétaire d’Etat, de Pete Hegseth, le secrétaire à la défense, de Susie Wiles, sa directrice de cabinet, de ses deux négociateurs – Steve Witkoff et son gendre Jared Kushner –, du général Dan Caine et de ses conseillers Stephen Miller et Dan Scavino.

Face à cet aréopage de plus en plus critique de son action, le premier ministre israélien jouait gros. Benyamin Nétanyahou est confronté à l’intérieur de son pays à un procès pour corruption et à une défiance grandissante de l’opinion publique et, à l’extérieur, à des critiques de plus en plus vives d’une grande partie de la communauté internationale face à la guerre d’anéantissement menée à Gaza à la suite de l’attaque terroriste conduite par le Hamas le 7 octobre 2023.

La situation dans l’enclave était d’ailleurs le sujet le plus attendu : Donald Trump est à l’origine de la proposition de plan de paix qui a abouti à un cessez-le-feu, le 10 octobre, et à la libération des otages détenus par le Hamas. Mais depuis lors, l’armée israélienne a violé à plusieurs reprises les termes de l’accord, procédant à des opérations qui ont coûté la vie à près de 400 personnes, tandis que trois de ses soldats ont été tués par le mouvement palestinien. L’administration américaine s’en est agacée ces derniers jours. Elle souhaiterait passer à la deuxième phase du plan, qui prévoit la démilitarisation du Hamas et le retrait des troupes israéliennes, mais la situation sur le terrain l’en empêche.

Ligne dure à l’égard de Téhéran
Mais le ton a changé, lundi, pour le plus grand plaisir de Benyamin Nétanyahou, qui a affiché un large sourire pendant la conférence de presse. « Je suis préoccupé par ce que font, ou peut-être ne font pas, d’autres acteurs, mais, en ce qui concerne Israël, je ne suis pas inquiet : ils ont respecté le plan », l’a dédouané Donald Trump. Avant le déjeuner, ce dernier avait mis en garde le Hamas : « S’ils ne se désarment pas comme ils s’y sont engagés, puisqu’ils ont accepté de le faire, alors ils paieront le prix fort. »

Autre point d’accord, plus attendu, la fermeté à l’égard de l’Iran. Six mois après les frappes américano-israéliennes contre les sites nucléaires du pays, Donald Trump a laissé entendre que d’autres opérations pourraient être menées si la relance des programmes de missiles balistiques et d’armement nucléaire de la République islamique venait à se préciser : « J’espère qu’ils n’essaient pas de reconstruire, parce que si c’est le cas, nous n’aurons d’autre choix que d’éliminer très rapidement ce réarmement. » Benyamin Nétanyahou défend cette ligne dure à l’égard de l’Iran tant par souci sécuritaire que par intérêt stratégique : maintenir l’engagement des Américains aux côtés d’Israël sur ce front tend à reléguer la question palestinienne au deuxième rang. Même stratégie au Liban à propos du Hezbollah, qui a eu droit à son lot de menaces à peine voilées.

Les principaux points de frottements sont apparus sur la question de la Cisjordanie, où la colonisation israélienne et les violences contre les Palestiniens se poursuivent malgré la désapprobation de Washingon. Donald Trump a bien glissé que « Bibi [M. Nétanyahou] » et lui n’étaient « pas d’accord à 100 % » à ce propos, tout en refusant de s’étendre sur le sujet, assurant que son invité du jour « fera ce qu’il faut ».

Autre sujet de tension, la Syrie. Le dirigeant américain a vanté les mérites d’Ahmed Al Charaa, le président de transition syrien, alors qu’Israël occupe une partie du sud du pays. Invité à s’exprimer sur la question, Benyamin Nétanyahou a botté en touche, affirmant agir notamment pour la défense des populations chrétiennes sur place, ce qu’a approuvé Donald Trump. Idem pour la Turquie dont le président, Recep Tayip Erdogan, a eu droit à son couplet laudateur du locataire de la Maison Blanche devant son invité qui est resté mutique. Ankara se porte volontaire pour la Force de stabilisation internationale à Gaza, censée assurer le maintien de la paix, ce qui déplaît au pouvoir israélien.

Benyamin Nétanyahou a eu droit également pendant la conférence de presse à son panégyrique. Son hôte l’a qualifié de « héros », sans lequel « Israël n’existerait plus », plaidant pour qu’il reçoive une grâce présidentielle dans le procès en cours pour corruption. Il a aussi glissé, comme un rappel, que « Bibi » pouvait être « difficile ». La relation ancienne entre les deux hommes, qui semblait battre de l’aile ces derniers mois, demeure solide. Mais Benyamin Nétanyahou est trop fin tacticien pour ignorer que les éloges de Donald Trump ne sont en rien une garantie.

Par Nicolas Chapuis et Samuel Forey
Le Monde du 30 décembre 25

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