| Malgré les blessures, l’exil et la censure, les journalistes palestiniens continuent de témoigner de la réalité du génocide, relate le documentaire « Dans Gaza ».© Elodie Le Gal |
Ce que le spectateur de Dans Gaza a déjà lu, entendu, vu en vidéo sur le génocide en cours dans l’enclave palestinienne, il est invité à le ressentir de l’intérieur. La caméra y est souvent tremblante, car constamment bousculée par la peur d’être bombardé ou visé par une arme. Même quand elle pointe vers le ciel, on distingue, entre les nuages et quelques oiseaux, les passages de missiles.
Sans cesse, les alarmes retentissent, les explosions s’enchaînent et la panique des habitants, effrayés, épuisés, se ressent à travers des bribes de conversations. Les bâtiments, eux, s’effondrent. Lors de rares moments d’accalmie, des milliers de Gazaouis pleurent des milliers de cadavres. Puis viennent les photos, extraits figés d’une tuerie dont les parents sont colonialisme et racisme. La vidéo retranscrit le chaos de la guerre, la photo la réduit à son essence la plus traumatisante. En une idée : nous assistons à un génocide.
Les journalistes palestiniens, derniers garants de la vérité
Dans Gaza, réalisé par Hélène Lam Trong, prix Albert-Londres 2023 pour le reportage Daesh : les enfants fantômes, se repose sur les images d’Adel Zaanoun, de Mohammed Abed, de Mahmud Hams et de Mai Yaghi, journalistes permanents de l’Agence France-Presse (AFP). Alors que l’accès à l’enclave a été bloqué par les forces d’occupation israéliennes dès octobre 2023, afin de cacher au monde l’étendue de leurs crimes, ces reporters sont devenus les garants de la vérité.
Leurs collègues, amis, familles ont beau avoir été blessés, traumatisés, assassinés, les quatre journalistes ont poursuivi leur travail. Tandis que les médias occidentaux et la communauté internationale leur ont craché au visage, ont piétiné leur travail, remis en cause leur sincérité, ils ont continué. L’Histoire le demandait, tant l’ampleur de ce génocide est inédite. Avoir choisi de construire un documentaire avec leur production n’est ainsi pas qu’un choix esthétique ; c’est une décision morale et politique.
En à peine plus d’une heure, Dans Gaza réussit à déployer l’étendue de son propos, dans le fond – la diabolisation du peuple palestinien est une faute morale – et dans la forme – nous suivons des journalistes gazaouis, coincés sur un terrain de guerre qui est aussi leur foyer.
Une tragédie totale, tant la guerre s’impose à chaque seconde. Elle supprime d’abord les corps, mais vole aussi le temps. Outre leur travail, Adel Zaanoun, Mohammed Abed, Mahmud Hams et Mai Yaghi ont dû batailler pour mettre à l’abri leurs proches, trouver de l’électricité, de l’eau et de la nourriture, lutter contre la fatigue. Aujourd’hui exilés à Londres, Nicosie, Bruxelles, Doha ou au Caire, ils n’attendent qu’une chose : pouvoir retourner à Gaza. D’ici là, ils continuent de transmettre des récits qui, comme l’a résumé Mahmud Hams, pourraient faire « pleurer la pierre ».
Tom Demars-Granja
L'Humanité du 1er décembre 25
Dans Gaza, Arte, mardi 2 décembre à 21 heures.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire