Pourquoi le refus des États-Unis de se soumettre à l’examen de l’ONU sur les droits humains est-il dangereux ?

 

Les États-Unis boycottent « l’Examen périodique universel », un processus du Conseil des droits de l’homme de l’ONU vérifiant le respect des droits humains par les États membres. Ce retrait sans précédent, justifié par des arguments fallacieux, pourrait inciter d’autres pays peu scrupuleux à faire de même.
« Les États-Unis s’opposent à la politisation des droits humains au sein du système des Nations unies », avait justifié la mission états-unienne en août dernier lorsqu’elle avait annoncé que leur pays ne prendrait pas part à l’évaluation de leur bilan en termes de droits humains par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. « Politiser les droits humains » ? Quelle idée ! Pourquoi pas politiser l’antiracisme, la lutte contre les violences de genre, ou, pire, le droit de manifester ?
Vendredi 7 novembre, les États-Unis ont confirmé leur décision de boycotter l’Examen périodique universel (EPU) de ses performances en matière des droits de l’homme devant l’ONU, prévu le jour même. Le pays devient ainsi l’un des deux seuls, avec Israël en 2013 qui finalement s’est plié à l’examen neuf mois plus tard, à ne pas se présenter à son propre EPU.

L’EPU, c’est quoi ?
En août dernier, cette mission dénonçait également la prétendue « partialité constante de l’ONU à l’encontre d’Israël ». Benyamin Netanyahou a en effet toujours pu compter sur le soutien absolu de Donald Trump. Dans une lettre, les diplomates estimaient encore que le système d’EPU n’est plus « fondé sur des informations objectives et fiables » et ne garantit plus « l’égalité de traitement » de tous les États.
L’EPU est un processus du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui permet d’évaluer le bilan de chaque État membre en matière de respect des droits humains. Créé en mars 2006, et mis en place en 2008, ce mécanisme permet à chaque pays « une évaluation par les pairs de son bilan en matière de droits de l’homme », explique le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).
L’objectif est de rendre compte des mesures que les pays prennent (ou pas) pour améliorer la situation des droits humains, mais aussi de « recevoir des recommandations (…) s’appuyant sur des contributions de différentes parties prenantes (…), en vue d’une amélioration continue ». Tous les 4 ans et demi environ, les États membres doivent ainsi se confronter à un examen méticuleux de leurs politiques en matière de droits humains.

Trump a-t-il des choses à cacher ?
En mai dernier, Amnesty International a produit un rapport sur les États-Unis destiné à alimenter cet EPU, et l’organisation n’est pas tendre. Droits des personnes réfugiées et migrantes bafoués, liberté de réunion entravée, violences policières, peine de mort, torture, violence par arme à feu, discriminations, violences fondées sur le genre… Amnesty est sans appel : la copie des États-Unis en matière de respect des droits humains est catastrophique. À l’approche de son EPU, le pays gouverné par un président d’extrême droite, condamné pour agression sexuelle, anti-immigration et pro-armes, aurait-il des choses à cacher ?
« C’est profondément décevant », a réagi Uzra Zeya, directrice de Human Rights First, après l’annonce du boycott. La responsable de cette organisation internationale de défense des droits humains basée aux États-Unis regrette « un mauvais signal » qui « fragilise un processus qui a contribué aux progrès réalisés en matière de droits humains dans le monde entier, y compris aux États-Unis ».
« Le retrait des États-Unis compromet sérieusement l’universalité, non seulement du processus, mais aussi du principe selon lequel le droit international des droits de l’homme est inaliénable et s’applique à tous de manière égale », a averti devant la presse Phil Lynch, directeur du Service international pour les droits de l’homme. Un ancien haut responsable américain investi dans les précédentes actions des États-Unis dans le cadre de l’EPU a averti que « cette non-participation a un effet de signal extrêmement dangereux ». « Nous espérons que cela ne banalisera pas le retrait du Conseil », a déclaré à l’Agence France-Presse Sanjay Sethi, codirecteur de l’Artistic Freedom Initiative.
Répression de la contestation, militarisation des contrôles d’immigration, déploiement de la Garde nationale dans les villes américaines, répressions contre les universités et institutions artistiques, les bombardements contre des bateaux soupçonnés de transporter de la drogue dans les Caraïbes et le Pacifique… la société civile états-unienne et internationale est, elle, très inquiète de la dégradation des droits humains aux États-Unis.

Théo Bourrieau
L'Humanité du 07 novembre 25

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