| Les mobilisations étudiantes ont eu un rôle significatif dans la prise de conscience et l’engagement de beaucoup de jeunes (ici à Lille).© Sameer Al-DOUMY / AFP |
Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils touchés par la Palestine, comme ceux des générations passées par Mandela ou la guerre du Vietnam ?
Plutôt oui. On a parlé de « génération Vietnam » parce qu’à l’époque se sont conjugués des mouvements contre la guerre du Vietnam, mais aussi ceux pour les droits civiques, les droits des minorités et des femmes. Il y a une mobilisation dans les universités – et peut-être un peu au-delà – autour du sujet palestinien. En revanche, cela ne s’articule pas tellement avec d’autres engagements. Il est probable que, lorsqu’on écrira l’histoire des luttes dans l’université, les mobilisations pour la Palestine y figureront.
Le lien n’est pas fait avec d’autres sujets ?
La sensibilité des jeunes, notamment diplômés, porte essentiellement sur l’écologie, le dérèglement climatique, la survie de la planète. Je ne vois pas d’articulation dans l’espace public entre ce sujet et celui de la Palestine, hormis le fait que ces sujets soient portés avant tout par la gauche et l’extrême gauche.
Qu’est-ce que cette génération a de spécifique ?
La jeunesse actuelle est marquée par une attention vive à toute forme d’injustice sociale. C’est particulièrement vrai pour ceux qui se mobilisent, les diplômés et les bac + 5. Ces jeunes vivent beaucoup au fil des émotions. Leurs informations proviennent plutôt des médias d’images. Les images stimulent beaucoup les émotions, voire les pulsions. En conséquence, on a une lecture émotionnelle de l’histoire. L’indignation se porte sur ceux qui incarneraient le plus les dominés.
Aujourd’hui, la classe ouvrière apparaît moins comme « les damnés de la Terre ». Dans l’imaginaire, les Palestiniens représentent ceux qui souffrent. On a une mobilisation sur la situation tragique d’une population livrée à elle-même, très peu secourue, qui subit beaucoup de pertes. On ne retrouve pas la même émotion pour d’autres guerres, comme au Soudan, où il y a davantage de morts, mais qui sont moins médiatisées.
Quels jeunes se mobilisent ?
Les mobilisations visibles sont celles qui entraînent des actions publiques. En milieu étudiant, je me risquerais à dire que le mouvement a touché les universités d’élite. C’est le cas à l’étranger, comme à Harvard aux États-Unis, et en France, à l’École nationale supérieure et l’École des hautes études en sciences sociales, qui ont été plus touchées par le mouvement que les universités lambda. Dans les universités d’élite, les professeurs prennent souvent position dans l’espace public. Sans doute les étudiants se situent-ils comme devant avoir un avis moral sur les sociétés et leur avenir.
Cette indignation est-elle politique ou morale ?
Selon moi, elle est plutôt morale. La jeunesse d’aujourd’hui se distingue par une indignation morale face aux injustices de tous ordres. Les jeunes diplômés, pourtant très informés, peinent à adopter une position politique radicale. La position radicale est plus morale et émotionnelle. Il n’y a pas vraiment de solution proposée. Sur la question palestinienne, des sondages sont parus sur la solution à deux États. Les Français et les jeunes sont très partagés, pour ceux qui ont une opinion. Mais beaucoup n’en ont pas, faute de connaître l’histoire des relations entre Palestiniens et Israéliens depuis 1948…
Gaël De Santis
L'Humanité du 27 novembre 25
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