Le cessez-le-feu signé, la guerre n’est pas terminée, mais change seulement de visage et de méthodes. La relation entre les pays du pourtour méditerranéen et l’apaisement des conflits doit devenir une priorité pour l’Europe. Par Nizar Badran, médecin et écrivain franco-palestinien
Le cessez-le-feu signé, la guerre n’est pas terminée, mais change seulement de visage et de méthodes. L’aide internationale est toujours en attente aux points de passage fermés. La dernière résolution du Conseil de sécurité n’impose aucune sanction à Israël ; elle attend simplement son bon vouloir.
Comme au Liban, les drones et avions bombardent épisodiquement, et l’adversaire, dans les deux cas, n’a pas le droit de répliquer.
Les États-Unis manœuvrent pour amener leur allié israélien à quelque retenue ici ou concession là. Les otages survivants ont été récupérés, aucune limitation n’est nécessaire.
L’Europe regarde ailleurs
L’Europe, comme à son habitude, regarde ailleurs et espère la fin d’un cauchemar qui l’a complètement dénudée et a montré son incapacité à respecter ses propres valeurs. Le droit international n’est plus sacré, et la politique de deux poids, deux mesures est le symbole de son hypocrisie.
Les relations Nord-Sud ou Occident – Sud global ont perdu leur sens des responsabilités. On peut renier ses engagements sans se montrer ridicule ; on l’est de toute façon.
Le « chacun pour soi » occidental, depuis l’imposition par le président Trump de la politique du « grand frère » à l’Europe, est le nouvel horizon européen. Le continent paraît infantilisé et n’a plus son mot à dire.
Seuls les peuples à travers le globe ont montré une constance dans leur refus de cette guerre infâme et ont assumé leur responsabilité envers les habitants martyrisés de Gaza. C’est la seule vraie lueur d’espoir dans la nuit sans fin de l’abandon. Le réveil des nations et la fraternité humaine ont été clairs, évidents et massifs, balayant devant eux le bégaiement de l’histoire. « Plus jamais ça » ne devra pas être un vain mot.
L’évolution mesurée par les instituts de sondage d’opinion montre que la génération Z aux États-Unis rejoint celle des autres pays. Cette génération, bientôt aux affaires, ne se laissera pas dicter son opinion par les lobbies pro-israéliens. Elle s’interroge sur l’intérêt que l’Amérique peut avoir d’un soutien politique et financier coûteux, qui coupe le pays du reste du monde, au lieu de revenir aux valeurs fondatrices : un pays libre, défendant la liberté et la démocratie partout dans le monde.
L’élection de Zohran Mamdani à New York en est le signe le plus évident. Il est probablement annonciateur d’autres surprises.
Le Conseil de sécurité, en adoptant la proposition de résolution sur Gaza, montre la suprématie américaine
Gaza, petit par la taille, mais énorme par la souffrance, a posé ses marques sur le visage du monde, défiguré par les intérêts des plus riches et des plus puissants. L’Homme, dans les moments difficiles, se montre humain, ne connaissant que la fraternité humaine ; la couleur, la race et la religion n’y joueront aucun rôle.
Le Conseil de sécurité, en adoptant la proposition de résolution sur Gaza, montre la suprématie américaine. Il se plie devant la loi du plus fort, donnant pratiquement un blanc-seing aux Israéliens pour continuer l’occupation illégale aux yeux du droit international. Israël, dans cette résolution, peut continuer à bombarder comme il le fait déjà au Liban. Le droit à l’autodétermination du peuple palestinien n’est qu’un vœu pieux. Les conditions de son application sont contraires aux règles du droit international et impossibles à réaliser. Le but d’évoquer ce droit et son évolution possible vers un État indépendant n’est qu’un leurre, visant à amadouer l’Arabie saoudite et d’autres pays pour qu’ils coopèrent et établissent des alliances avec Israël.
Devant tant d’injustice, quel avenir pour la Palestine, le Moyen-Orient et le monde ? À mon avis, aucune stabilité n’est viable et pérenne sans le droit. Il suffit de regarder d’autres terres pour s’en persuader : l’Afrique du Sud de Nelson Mandela, le Vietnam ou encore l’Algérie colonisée.
Le non-respect du droit ne peut entraîner que d’autres cycles de violences
Aucun conflit n’a été réglé sur la primauté de la force, à part peut-être les pays créés sur le génocide des habitants premiers et leur extermination totale.
Le non-respect du droit ne peut entraîner que d’autres cycles de violences, qui prendront par moments et en certains lieux la forme du terrorisme et son cortège d’horreurs.
L’Europe, qui a connu une telle situation dans le passé, pourra-t-elle laisser se réunir les conditions de l’éclatement d’un nouveau cycle de terrorisme en Orient et sur son sol ? Une telle question doit être honnêtement posée et ne devra pas être éludée et mise sous le tapis de notre hypocrisie. Ne pas aller vers l’application du droit international en Palestine est une erreur à ne pas commettre.
La relation entre les pays du pourtour méditerranéen et l’apaisement des conflits doit devenir une priorité pour l’Europe. Son avenir passe obligatoirement par les eaux agitées de notre mer commune.
Tribune - L'Humanité du 24 novembre 25
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