« Une insulte à la tragédie qui se déroule sous nos yeux » : malgré les accusations, Israël nie les tueries près d’un centre d’aide humanitaire de Gaza

 

31 civils palestiniens ont été tués, et plus de 176 blessés, par l’armée israélienne, près d’un centre de distribution d’aide humanitaire situé à Rafah, dimanche 1er juin. Malgré les accusations concordantes de Gazaouis et médecins présents dans l’enclave palestinienne, comme d’agences internationales telles que l’Unrwa et Médecins sans frontières, Tel-Aviv nie son implication.
Le génocide commis par l’armée israélienne oblige la population gazaouie à fuir vers le sud, dans la région de Rafah. Alors que près de 90 % des habitations ont été détruites dans la bande de Gaza, les civils sont censés y trouver un peu de répit auprès de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une société privée dotée d’un financement opaque, composée d’agents de sécurité armés – des militaires comme des anciens agents de la CIA – provenant des États-Unis. La GHF affirme avoir distribué des millions de repas depuis le début de ses opérations, la semaine dernière.
Au moins 31 personnes ont été tuées, et plus de 176 blessés, par des tirs israéliens, dimanche 1er juin, près d’un centre de distribution d’aide humanitaire situé à Rafah. L’organisation, « militarisée, privatisée et politisée » comme l’a fustigé Jan Egeland, secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés et ancien responsable des opérations humanitaires des Nations unies auprès de la BBC, ainsi que l’armée israélienne ont nié tout incident. « Il y avait beaucoup de monde, c’était le chaos » et « l’armée a tiré depuis des drones et des chars », a pourtant rapporté Abdallah Barbakh, un Palestinien de 58 ans qui s’est rendu sur place, auprès de l’Agence France-Presse (AFP).

Une scène de « carnage absolu »
Selon le mécanisme de la GHF, les Palestiniens doivent collecter des boîtes contenant de la nourriture et des articles d’hygiène de base pour leurs familles sur quatre sites de distribution dans le sud et le centre de la bande de Gaza. Ces sites sont sécurisés par des contractants états-uniens, tandis que des troupes israéliennes patrouillent à l’intérieur de leur périmètre. Pour y accéder, les civils doivent se soumettre à des contrôles d’identité et à des vérifications biométriques et de reconnaissance faciale pour s’assurer qu’ils ne sont pas impliqués dans le Hamas.
Après avoir imposé un blocus complet pendant plus de deux mois, à peine assoupli fin mai, l’armée israélienne est ainsi accusée d’avoir visé des civils victimes de la famine. Cette dernière nie avoir tiré tandis qu’un porte-parole de la GHF a, de son côté, démenti des informations « fausses et fabriquées de toutes pièces ».
Victoria Rose, une chirurgienne britannique présente au sein de l’hôpital Nasser, de Khan Younès, où ont été transportés de nombreux blessés, a décrit dans un message vidéo une scène de « carnage absolu » dans l’établissement. Des images recueillies par l’AFP montrent des habitants évacuant des morts sur une charrette tirée par un âne et une foule compacte d’hommes, certains chargés de colis, revenant du centre, dans un paysage désertique et dévasté. La Défense civile a également déclaré que des tirs israéliens avaient fait un mort et de nombreux blessés près d’un autre site d’aide humanitaire dans le centre du territoire.

Des drones, des hélicoptères, des bateaux et des tanks
Un énième massacre confirmé par Médecins sans frontières (MSF). L’organisation non gouvernementale (ONG) a indiqué, dimanche 1er juin, que des civils gazaouis dont elle a eu la charge ont été ciblés par des tirs, qualifiant le système de distribution de GHF de « déshumanisant, dangereux et sévèrement inefficace ». Ainsi, leurs patients ont raconté « qu’on leur avait tiré dessus de tous les côtés avec des drones, des hélicoptères, des bateaux, des tanks et des soldats israéliens au sol », a annoncé MSF dans un communiqué.
De quoi pousser Philippe Lazzarini, de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), à rappeler cette funeste évidence : « La distribution de l’aide humanitaire est devenue un piège mortel. » Des informations attestées par « des rapports de médecins internationaux sur place », assure le responsable de l’Unrwa à propos « des coups de feu ont fait de nombreuses victimes, dont des dizaines de blessés et de morts parmi les civils affamés ». Le représentant de la structure onusienne attaquée par Tel-Aviv et Washington ajoute que « ce système humiliant a contraint des milliers de personnes affamées et désespérées à marcher pendant des dizaines de kilomètres pour se rendre dans une zone pratiquement détruite par les bombardements intensifs de l’armée israélienne ».
Même son de cloche pour l’avocat international spécialisé dans les droits de l’homme et ex-membre de l’Unrwa, Johann Soufi qui a estimé (lors d’un cycle de conférence organisé par l’Association France Palestine Solidarité, samedi 24 mai) que « celui qui entrave l’aide humanitaire à Gaza est complice de crime de guerre, de crime contre l’humanité, voire de génocide ». Pour rappel, 900 camions d’aide humanitaire ont été envoyés au cours des deux dernières semaines dans l’enclave palestinienne. « Cela représente à peine plus de 10 % des besoins quotidiens de la population de Gaza, tance Philippe Lazzarini. L’aide qui est actuellement envoyée est une véritable insulte à la tragédie qui se déroule sous nos yeux. »
Lors du fragile cessez-le-feu mis en place plus tôt dans l’année, ce sont entre 600 à 800 camions des Nations unies (ONU) qui entraient chaque jour à Gaza. Une aide humanitaire réduite à néant, alors que 54 418 Palestiniens, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, qui ont été assassinés par l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023.

Tom Demars-Granja
L'Humanité du 02 juin 2025



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