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Des femmes pleurent la mort de leurs proches tués lors d’une frappe israélienne à l’hôpital Al-Shifa de Gaza, le 26 mai 2025. © Photo Omar Al-Qattaa / AFP |
Dimanche 1er juin, une nouvelle « Flottille de la liberté » a quitté le port de Catane, en Sicile, en direction de Gaza avec à son bord, outre des figures de la cause palestinienne dont l’eurodéputée La France insoumise (LFI) Rima Hassan, des personnalités internationalement connues comme l’activiste écologiste Greta Thunberg et l’acteur irlandais Liam Cunningham. Le 2 mai, la précédente flottille humanitaire avait été attaquée par des drones israéliens, alors qu’elle naviguait dans les eaux internationales.
Cette nouvelle tentative militante survient alors qu’un soulèvement croissant de la société civile s’affirme, porté par une jeunesse pour qui la Palestine devient une cause fondatrice comme le furent, pour les générations précédentes, les guerres d’Algérie et du Vietnam.
Secouant l’immobilisme des États, leurs lâchetés ou leurs complicités face à la guerre menée par Israël à Gaza contre la population palestinienne, cette solidarité s’est d’ailleurs exprimée, samedi 31 mai, lors de la finale de la Ligue des champions, où les supporteurs du PSG ont déployé une banderole clamant : « Stop Génocide Gaza ». « Nous sommes tous des enfants de Gaza », ont-ils aussi scandé en défilant dans les rues de Munich.
Avant-garde artistique
Quelques jours auparavant, le 26 mai, trois cents écrivains francophones avaient affirmé dans une tribune publiée par Libération : « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot “horreur”, il faut aujourd’hui nommer le “génocide” à Gaza. » Parmi les signataires, outre de nombreux prix Goncourt – Patrick Chamoiseau, Jérôme Ferrari, Brigitte Giraud, Hervé Le Tellier, Nicolas Mathieu, Mohamed Mbougar Sarr, Leïla Slimani –, deux prix Nobel de littérature, J. M. G. Le Clézio et Annie Ernaux, rejoint·es depuis par deux autres de ses lauréats, Patrick Modiano et Orhan Pamuk. « Notre responsabilité collective est engagée », dit cet appel dont les premiers mots convoquent le souvenir de la poétesse palestinienne Hiba Abu Nada, tuée par les bombardements israéliens le 20 octobre 2023 :
« Dans son poème Une étoile disait hier, elle avait imaginé pour les habitants de Gaza un abri cosmique, à l’opposé du danger existentiel auquel ils font face – un abri universel, dans lequel ils ne seraient plus, comme depuis des décennies, exclus de l’humanité : “Et si un jour, Ô Lumière / Toutes les galaxies / De tout l’univers / N’avaient plus de place pour nous / Tu diras : ‘Entrez dans mon cœur / Vous y serez enfin à l’abri’.” Israël tue sans relâche des Palestiniens et des Palestiniennes, par dizaines, chaque jour. Parmi eux, nos confrères et consœurs : les écrivains et écrivaines de Gaza. Quand Israël ne les tue pas, il les mutile, les déplace, les affame délibérément. Israël a détruit les lieux de l’écriture et de la lecture – bibliothèques, universités, foyers, parcs. »
Deux semaines avant cet appel des écrivain·es, le 13 mai, à l’ouverture du Festival de Cannes, plus de 350 professionnels internationaux du cinéma s’exprimaient en mémoire de la photojournaliste palestinienne Fatma Hassona, assassinée à l’âge de 25 ans par l’armée israélienne à Gaza alors que le film de Sepideh Farsi Put Your Soul on Your Hand and Walk, dont elle est la vedette, venait d’être sélectionné.
La liste des signataires, rejoint·es notamment par la présidente du jury du Festival, l’actrice Juliette Binoche, tient du gotha du cinéma mondial – Pedro Almodóvar, Javier Bardem, Costa-Gavras, David Cronenberg, Xavier Dolan, Ralph Fiennes, Richard Gere, Aki Kaurismäki, Mike Leigh, Joaquin Phoenix, Susan Sarandon, Omar Sy, Guillermo del Toro, etc. Voici ce que dit cette lettre ouverte en forme d’adresse au monde, à ses silences et à ses indifférences :
« En tant qu’artistes et acteurs culturels, nous ne pouvons rester silencieux alors qu’un génocide se déroule à Gaza et que cette nouvelle innommable frappe de plein fouet nos communautés. À quoi servent nos métiers si ce n’est à tirer les leçons de l’histoire, à faire des films engagés, si nous ne sommes pas présents pour protéger les voix opprimées ? Pourquoi ce silence ? L’extrême droite, le fascisme, le colonialisme, les mouvements anti-trans et anti-LGBTQIA+, sexistes, racistes, islamophobes et antisémites mènent leur bataille sur le terrain des idées, s’attaquent à l’édition, au cinéma, aux universités, et c’est pourquoi nous avons le devoir de lutter. Refusons que notre art soit complice du pire. Levons-nous. Nommons le réel. Osons le regarder collectivement avec la précision du cœur pour qu’il ne puisse plus être silencié et couvert. Refusons les propagandes qui colonisent sans arrêt nos imaginaires et nous font perdre le sens de nos humanités. Pour Fatma, pour toutes celles et ceux qui meurent dans l’indifférence. Le cinéma se doit de porter leurs messages, d’être un reflet de nos sociétés. Agissons avant qu’il ne soit trop tard. »
À ces sursauts collectifs il faut ajouter des voix singulières qui s’élèvent. Auteur d’une œuvre capitale sur le génocide des Tutsi·es au Rwanda, l’écrivain et journaliste Jean Hatzfeld qui, dans le passé, s’est rendu en reportage à Gaza, est sorti de sa réserve. « En détruisant Gaza, Israël détruit le judaïsme », déclare-t-il dans un entretien accordé au Monde le 30 mai, évoquant un « prégénocide ».
« On n’assiste pas à l’extermination physique d’un peuple » mais « on lui interdit un état de vie », explique-t-il, avant de mettre en garde : « Au Rwanda, dès décembre 1993, on évoquait un risque de génocide, mais on ajoutait toujours que cela n’arriverait pas. À Gaza, c’est la même chose. »
D’autant que les génocidaires sont déjà aux commandes, reconnaît l’historien israélien Élie Barnavi, qui fut ambassadeur d’Israël en France : « Il faut se rendre à l’évidence : il y a des génocidaires au gouvernement d’Israël. Ils le proclament tous les jours », a-t-il déclaré sur TV5 Monde le 25 mai, ne s’embarrassant plus de précautions de langage.
Enfin, cet inventaire serait incomplet si l’on ne mentionnait pas l’impact du récent témoignage de Jean-Pierre Filiu, à l’occasion de la publication de son exceptionnel récit, Un historien à Gaza (Les Arènes), fruit d’un séjour de trente-deux jours sur place, sous couvert de Médecins sans frontières, du 19 décembre 2024 au 21 janvier 2025.
Car l’historien veille à souligner ce qui s’y joue d’universel : non seulement le sort de la Palestine, mais la fin du droit international, tel qu’il fut proclamé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Rappelant qu’il a choisi de terminer son livre à Kyiv, où il a donné des conférences en 2024, Jean-Pierre Filiu relie et imbrique les deux causes, palestinienne et ukrainienne, face au but de guerre commun de Nétanyahou et Poutine. Symboliquement, lors de toutes ses récentes interventions télévisées, il portait un sweat-shirt aux couleurs ukrainiennes, avec cette inscription : « Fight like Ukrainians ».
Les États contre le droit international
Fût-il tardif, ce large réveil des consciences est bienvenu, tant il contraste avec le long sommeil de la plupart des États.
Car cela fait plus de seize mois que la Cour internationale de justice (CIJ) des Nations unies a enjoint, le 26 janvier 2024, à l’État d’Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application » de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Défiant la justice internationale, les dirigeants israéliens ont fait tout l’inverse, radicalisant leur offensive de nettoyage ethnique à Gaza et de colonisation à outrance en Cisjordanie. Et cela fait plus de six mois que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), délivré le 21 novembre 2024, non seulement pour crimes de guerre mais surtout pour crimes contre l’humanité. Ce qui na pas empêché qu’il soit officiellement reçu en Europe, par la Hongrie de Viktor Orbán, et aux États-Unis, à peine Donald Trump installé à la Maison-Blanche.
Tandis que le président de la République française n’en finit pas d’annoncer une reconnaissance de l’État de Palestine qui n’a toujours pas eu lieu – « pas simplement un devoir moral, mais une exigence politique », a récemment déclaré à Singapour Emmanuel Macron –, l’Union européenne ne s’est pas encore résolue à suspendre son accord d’association avec Israël, malgré l’insistance de l’Espagne qui, elle, a reconnu depuis un an la Palestine comme un État indépendant, tout comme l’Irlande et la Norvège.
Mais les États occidentaux – au premier rang desquels les États-Unis d’Amérique, de Joe Biden à Donald Trump – ne sont pas seuls en cause : aucune des puissances financières du monde arabe – Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Qatar – n’a usé des armes économiques et énergétiques (pétrole et gaz) dont elles disposent pour secourir le peuple palestinien et enrayer son martyre.
« Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas » : introduisant à la fin de l’été 2024 Le Livre noir de Gaza (Seuil, 2024), ce remarquable et désespérant « bilan provisoire d’une guerre qui s’annonce sans fin », la chercheuse Agnès Levallois avait déjà dit l’essentiel. « Gaza, où meurt notre humanité », alertions-nous dès le 7 décembre 2023, parmi bien d’autres alarmes précoces qui furent ignorées, méprisées ou disqualifiées.
« Ce n’est pas seulement une humanité concrète, celle des vies irrémédiablement perdues, qui se meurt au Proche-Orient, écrivions-nous. C’est l’idée même d’une humanité commune que ruine la vengeance sans frein ni limites de l’État d’Israël contre la population palestinienne de Gaza en riposte au massacre commis par le Hamas. »
Entre complicités et renoncements, l’abandon durable de la Palestine par la communauté internationale des États restera comme une infamie. Dès lors, il revient à nos sociétés, et notamment à leurs jeunesses, de sauver l’espoir : quelle que soit l’impuissance pratique des mobilisations, appels, pétitions et discours, à enrayer le génocide en cours, toutes ces initiatives frayent le chemin d’une aube au lendemain de la catastrophe, de sa nuit interminable et de ses crimes incommensurables.
Car elles sont habitées par la certitude que la cause de la Palestine ouvre désormais l’horizon d’un universel partagé, tissé de justice et d’égalité, contre le capitalisme du désastre de Trump, Poutine et consorts qui, refusant toute limite à sa voracité, précipite l’humanité dans l’abîme.
La leçon d’Arundhati Roy
« Toute la puissance et l’argent, toutes les armes et la propagande du monde ne peuvent plus cacher la blessure qu’est la Palestine. Une plaie par laquelle saigne le monde entier, y compris Israël. » Ces mots sont d’Arundhati Roy, dans son discours de remerciement, le 10 octobre 2024 à Londres, pour le prix PEN Pinter.
Devenue mondialement célèbre avec son roman Le Dieu des Petits Riens, paru en 1997, l’écrivaine et militante indienne ne s’est pas assagie pour autant. Faisant siennes les causes universelles de la justice et de l’égalité, elle les applique à son propre pays, affrontant le fondamentalisme hindouiste du parti nationaliste au pouvoir, le BJP de Narendra Modī, premier ministre depuis 2014, au point d’être visée par une loi antiterroriste pour ses propos et ses écrits.
C’est dans ce contexte que, dix ans après Salman Rushdie, lauréat 2014, elle reçut en 2024 ce prix qui salue le courage d’écrivain·es illustrant la devise de l’English PEN, organisation de défense des droits humains fondée en 1921 : Freedom to Write, Freedom to Read.
Consacrant l’essentiel de son propos au sort de la Palestine, elle refusa farouchement de « jouer le jeu de la condamnation », selon ses mots, autrement dit de tenir une balance égale entre oppresseurs et opprimés. Car, martelait-elle, l’histoire n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Lisons-la.
« Je suis parfaitement consciente qu’en tant qu’écrivain, non musulmane et femme, il me serait très difficile, voire impossible, de survivre très longtemps sous la domination du Hamas, du Hezbollah ou du régime iranien. Mais là n’est pas la question. Il s’agit de nous informer sur l’histoire et les circonstances dans lesquelles ils ont vu le jour. […] Je suis consciente que le Hezbollah et le régime iranien ont de fervents détracteurs dans leur propre pays, dont certains croupissent en prison ou ont connu des situations bien pires. Je suis consciente que certaines de leurs actions – le meurtre de civils et la prise d’otages du 7 octobre par le Hamas – constituent des crimes de guerre. Toutefois, il ne peut y avoir d’équivalence entre ces actions et celles menées par Israël et les États-Unis à Gaza, en Cisjordanie et, aujourd’hui, au Liban. La racine de toutes les violences, y compris celles du 7 octobre, est l’occupation par Israël de la terre palestinienne et l’assujettissement du peuple palestinien. L’histoire n’a pas commencé le 7 octobre 2023.
Je vous le demande : lequel d’entre nous, assis dans cette salle, accepterait de se soumettre à l’indignité à laquelle les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie sont soumis depuis des décennies ? Quels moyens pacifiques le peuple palestinien n’a-t-il pas essayés ? Quel compromis n’a-t-il pas accepté, si ce n’est celui qui l’oblige à se mettre à genoux et à mordre la poussière ? Israël ne mène pas une guerre d’autodéfense. Il mène une guerre d’agression. Une guerre pour occuper davantage de territoires, pour renforcer son appareil d’apartheid et pour resserrer son contrôle sur le peuple palestinien et sur la région. »
Faire taire
Non, l’histoire n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Comme pour le 11-Septembre, ces attentats commis par Al-Qaïda en 2001 contre les États-Unis, vécus par ces derniers comme une menace vitale ainsi que ce fut le cas pour l’État d’Israël en 2023, le 7-Octobre immobilise la pensée et fige l’émotion. Cet arrêt sur images – de massacres, d’enlèvements, d’effroi et de terreur… – est une machinerie aveuglante, assumée et utilisée comme telle par le pouvoir israélien qui en fit un film de propagande dont l’horreur est l’inlassable refrain.
Notamment en Europe, les réseaux diplomatiques d’Israël et les relais militants qui les relayent organisèrent des projections afin de faire taire toute question, interrogation ou réflexion, sur l’engrenage colonial, d’oppression, de dépossession et d’humiliation, qui avait conduit à l’attaque du Hamas avec ses crimes de guerre contre des civil·es, assassiné·es ou enlevé·es. L’émotion devait annihiler toute réflexion. Expliquer serait justifier. S’efforcer de comprendre serait devenir complice.
De même qu’en 2001, il ne devait plus y avoir de passé, qui expliquerait comment on en est arrivé à cette catastrophe, ni de futur, qui envisagerait comment faire pour ne plus la revivre. Non, seul compterait le présent, un présent de vengeance aveugle, indistincte, totale.
Une année plus tard, cet aveuglement solidaire recherché par la propagande israélienne fut redoublé, dans nombre de milieux médiatiques et politiques occidentaux, et particulièrement en France, en aveuglement volontaire devant les crimes commis par l’État d’Israël à Gaza.
Il faut bien admettre, dans une résonance douloureuse avec l’ancien et toujours nécessaire combat contre les négationnistes du génocide des juifs d’Europe, que nous devons désormais affronter un nouveau négationnisme en temps réel : celui des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide commis par l’État d’Israël contre le peuple palestinien. Et ce alors même qu’ils sont largement rapportés et précisément documentés, notamment par Amnesty International, Human Rights Watch et Médecins sans frontières, dans des rapports rendus publics en décembre 2024.
Pour y voir clair en perçant l’obscurité des propagandes, il nous faut donc réfuter ce « présentisme » qu’un historien, François Hartog, avait diagnostiqué, après le 11-Septembre, comme le piège qui était tendu à notre compréhension de l’époque, de ses défis et de ses dangers, de ses emballements et de ses affolements.
Avec le renfort de médias qui, désormais, peuvent commenter en continu, sans relâche ni distance, sans historicité ni complexité, les puissances, qu’elles soient étatiques ou économiques, cherchent à prendre en otage le temps. Elles voudraient nous rendre prisonniers d’un présent sans passé ni futur, qui ne s’autorise que de son immédiateté et qui, dès lors, nous rend aveugles, tels des lapins pris dans des phares, ou égarés, tels des papillons happés par une ampoule.
Le présent est tissé de passé, et le passé est plein d’à présent : c’est de cette lucidité que peuvent naître des espérances, nourries des inquiétudes immédiates mais refusant de s’y soumettre, dans la conviction que l’histoire n’est jamais définitivement écrite, achevée ou terminée. Si la Palestine est devenue une cause universelle, c’est parce que l’injustice faite à son peuple depuis 1948, redoublée depuis 1967, prolonge au cœur de notre présent l’injustice des colonisations occidentales qui ont fait la richesse, la puissance et la domination de l’Europe sur le monde.
Au ressort du colonialisme, il y a la supériorité, donc l’inégalité, et, par conséquent, la négation des principes universels que les démocraties occidentales prétendent avoir proclamé à la face du monde. Cet engrenage est fatal, générant une barbarie qui ensauvage la civilisation.
En Israël même, des voix surent tôt le dire qui, hélas, ne furent pas entendues, rapidement marginalisées, puis défaites. Victorieux face aux États arabes – l’Égypte, la Syrie, le Liban, l’Irak et la Jordanie – lors de la guerre des Six Jours de juin 1967, les dirigeants, alors travaillistes, de l’État d’Israël décidèrent d’occuper illégalement de nouveaux territoires, en Cisjordanie et à Gaza. Ils ont ouvert la voie aux surenchères des fanatiques du « Grand Israël » qui ont désormais conquis le pouvoir à Jérusalem, assumant une idéologie raciste d’effacement de la population palestinienne – par l’exclusion, l’expulsion ou l’extermination.
Le 22 septembre 1967, douze citoyens israéliens lancèrent, dans le quotidien Haaretz, un appel dont la sombre prophétie fut rappelée, le 28 décembre 2023, par des cinéastes du monde entier pour réclamer un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
Le voici :
« Notre droit de nous défendre contre l’extermination ne nous donne pas le droit d’opprimer les autres :
L’occupation entraîne une domination étrangère.
Une domination étrangère entraîne la résistance.
La résistance entraîne la répression.
La répression entraîne le terrorisme et le contre-terrorisme.
Les victimes du terrorisme sont en général des innocents.
La mainmise sur les territoires occupés fera de nous des assassins et des assassinés.
Sortons des territoires occupés maintenant. »
Ses premiers signataires avaient accompagné la naissance, en 1962, d’un parti israélien socialiste, internationaliste et anticolonialiste. Il avait pour nom hébreu : Matzpen, soit la « boussole ». La boussole de l’égalité, du droit et de la justice.
Au-delà d’une terre, d’une nation et d’un peuple, « Palestine » est devenu le nom sans frontières de cet idéal. Son sort tragique rappelle au monde entier qu’il ne saurait y avoir d’universel s’il n’y a pas d’égalité, autrement dit qu’il n’y a que de l’universalisable : un universel de la relation, du partage et de l’échange, qui se construit sans cesse dans le respect et le souci des autres – de leurs droits, de leurs vies, de leurs humanités. L’origine, la culture, la civilisation, le passé, etc., tous ces héritages qui tissent nos identités ne protègent de rien. Seul le présent fait preuve où se joue le respect de soi par le souci de l’autre.
Tel est le message de la cause universelle de l’égalité dont la Palestine est devenue l’étendard.
Edwy Plenel
Médiapart du 02 juin 2025
Cet article reprend quelques passages de mon introduction à Palestine, notre blessure où j’ai réuni mes articles sur la question de Palestine parus sur Mediapart depuis sa création en 2008.
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