Non aux armes nucléaires

 

Appel lancé par des élus, scientifiques, écrivains, artistes, médecins, militaires et militants associatifs…

Mercredi 5 mars 2025, le président de la République a annoncé qu’il avait « décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion (nucléaire) de nos alliés du continent européen ». Officiellement, « notre dissuasion » consiste, face à un ennemi qui s’en prendrait aux « intérêts vitaux » de la France, à le menacer de lui délivrer d’abord un « ultime avertissement » par une frappe nucléaire en principe limitée, puis, s’il poursuit son agression, de frapper massivement ses cités.
Cette première frappe française transformera une guerre conventionnelle en guerre nucléaire. Elle amènera quasi inéluctablement un ennemi doté lui aussi d’armes nucléaires à riposter avec les siennes, voire à la devancer en frappant lui-même en premier. Dans les deux cas, elle entraînera un suicide collectif. Sans l’avoir jamais voulu, c’est le prix que les Français doivent payer, aujourd’hui en euros et demain de leur vie, à la « souveraineté nationale », c’est-à-dire au pouvoir exorbitant du chef de l’État. Que cette stratégie soit suicidaire, c’est ce qu’avait compris Valéry Giscard d’Estaing, qui confie dans ses mémoires s’être secrètement résolu à ne jamais prendre « l’initiative d’un geste qui conduirait à l’anéantissement de la France ».
Si, comme le voudrait M. Macron, la France devait étendre aux autres pays européens la protection imaginaire de notre supposé « parapluie nucléaire », notre anéantissement provoqué par ses soins dépendrait alors de ce qui se passera pour on ne sait qui, on ne sait où, quelque part en Europe. En attendant, la France va dépenser, en 2025, 7 milliards d’euros rien que pour « moderniser » sa force de frappe qui n’en a pourtant pas besoin, alors même qu’elle doit puiser dans ses forces conventionnelles pour soutenir la résistance des Ukrainiens, et qu’elle ne parvient pas non plus à satisfaire ses besoins sanitaires, sociaux, éducatifs et environnementaux.
Nous refusons de sacrifier nos « intérêts vitaux » présents et futurs aux postulats d’une stratégie nucléaire absurde, ruineuse, foncièrement antidémocratique, illégale, criminelle et suicidaire. Nous refusons de massacrer les autres et d’être suicidés.
La France doit négocier avec les autres États concernés l’abolition des armes nucléaires et radioactives, conformément à l’article VI du traité de non-prolifération. À défaut, nous demandons que les Français soient consultés et soutenons la proposition parlementaire de loi visant à organiser un référendum d’initiative partagée sur cette question vitale.
Albert Camus déclarait le 8 août 1945 : « Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. »

Tribune - L'Humanité du 20 juin 2025

Signataires

Fabrice Barusseau, député de la Charente-Maritime
Guy Benarroche, sénateur des Bouches-du-Rhône
Larbi Benchiha, cinéaste, auteur de Vent de sable et de Bons baisers de Moruroa
Benoît Biteau, député de la Charente-Maritime
Françoise Boman, médecin anatomo-cyto-pathologiste
Jacques Bordé, vice-président de Pugwash-France
André Bouny, fondateur de DEFI Viêt Nam et du Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de
l’Agent Orange.
Bruno Boussagol, metteur en scène
Rony Brauman, médecin, ex président de Médecins Sans Frontières
Hendrik Davi, député des Bouches-du-Rhône
Nicolas Delerue, président de Pugwash France
Jean-Jacques Delfour, auteur de La condition nucléaire, L’Echappée (2016)
Jean-Pierre Desbordes, directeur d’école, vice-président d’ACDN
Roland Desbordes, ancien président de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la
radioactivité (CRIIRAD)
Marc Finaud, diplomate, auteur de L’arme nucléaire, Éliminons-la, L’Harmattan (2020), vice-président d’IDN
Kaddour Hadadi (HK), artiste
Sylvie Justome, adjointe au maire de Bordeaux, conseillère métropolitaine
Jean-Luc Lefebvre, ancien officier de l’armée de l’air, chercheur en stratégie
Francis Lenne, général de brigade 2e Section
Yves Lenoir, auteur de La Comédie atomique, La Découverte (2016)
Jean-Luc Marchais, maire de Bussac-sur-Charente
Monique de Marco, sénatrice de la Gironde
Jean-Marie Matagne, président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
Chloé Maurel, historienne, spécialiste de l’ONU
Patrick Moquay, professeur à l’ÉNS du paysage de Versailles, ancien maire de Saint Pierre d’Oléron
Laurent Mucchielli, sociologue au CNRS
Bernard Norlain, général d’armée 2e Section, président d’Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN)
Raymonde Poncet-Monge, sénatrice du Rhône
Annick Suzor-Weiner, physicienne, professeure émérite à l’Université de Paris-Saclay
Patrick Zahnd, professeur de droit international

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