Conseil de sécurité sur la Palestine: Les Etats-Unis se sont retrouvés quasiment isolés

 

Le vice-premier ministre palestinien, Ziad Abu Amr, lors d’une réunion du Conseil de sécurité au siège des Nations unies, le 18 avril 2024. YUKI IWAMURA / AP
Les Etats-Unis n’ont fait planer aucun suspense : lorsque les Palestiniens ont décidé de profiter du momentum engendré par les protestations de la communauté internationale face à la dégradation de la situation à Gaza, et annoncé leur demande d’adhésion début avril, l’Algérie, qui coordonne les projets de résolutions concernant les territoires palestiniens au Conseil, a eu beau expliquer ne pas vouloir perdre de temps, Washington a immédiatement expliqué que sa position n’avait pas changé d’un iota depuis 2011.
Barack Obama, à l’époque, avait expliqué désirer que la reconnaissance d’un Etat palestinien par Israël ne soit pas forcée par cette candidature qui aurait formalisé un peu plus le statut des Palestiniens, mais qu’elle devait venir d’un accord négocié entre les deux pays.
Treize ans plus tard, les Etats-Unis continuent à jouer sur l’ambivalence d’affirmer croire à la solution à deux Etats, mais sans en donner aux Palestiniens les moyens.
« Ce vote ne reflète pas une opposition à la création d’un Etat palestinien, mais la reconnaissance du fait qu’il ne résultera que de négociations directes entre les parties », a expliqué l’ambassadeur américain Robert Wood. « Nous demandons depuis longtemps à l’Autorité palestinienne d’entreprendre les réformes nécessaires pour établir les attributs de la préparation à la création d’un Etat », a continué M. Wood, précisant que tant que l’influence de l’organisation terroriste du Hamas restait si importante à Gaza, il était impensable de penser à un Etat palestinien.
Mais à la différence de 2011 où les Palestiniens n’étaient pas suffisamment soutenus par le reste du Conseil de sécurité, les Etats-Unis se sont retrouvés quasiment isolés jeudi 18 avril.
« La communauté internationale est à vos côtés », avait indiqué aux Palestiniens quelques minutes avant le vote l’ambassadeur algérien Amar Bendjama, qui représentait le groupe des pays arabes, l’Organisation de la coopération islamique et le groupe des non-alignés. « Il s’agit d’une étape cruciale vers la correction d’une injustice de longue date. »

« Les Palestiniens ont fait changer la dynamique »
Mais ces soutiens traditionnels n’ont pas été les seuls à s’offusquer du veto américain : les autres membres du Conseil, dont les traditionnels soutiens des Etats-Unis comme le Japon ou la Corée du Sud, n’ont pas caché leur frustration de ne pas voir de sortie après ces 76 années de crispation et de guerres à répétition.
« Le long retard dans la création d’un État palestinien indépendant est la cause profonde du problème, et la résolution constituait une étape importante vers la réduction de cette lacune, a résumé l’ambassadrice du Guyana Carolyn Rodrigues-Birkett. Sans aller au fond du problème, les symptômes persisteront et le cycle réactif se poursuivra. »
La France, qui pensait s’abstenir en 2011 si la demande d’adhésion des Palestiniens avait été mise au vote, s’est prononcée en faveur treize ans plus tard, alors qu’elle tente de coordonner une résolution pour un processus de paix global au Proche-Orient. « La France n’a pas de tabou sur cette question, a déclaré l’ambassadrice française Nathalie Broadhurst. Cette admission doit permettre la reprise d’un processus décisif et irréversible pour mettre en œuvre la solution des deux Etats et le renforcement de l’Autorité palestinienne dans les Territoires Palestiniens, à Gaza comme en Cisjordanie. »
« Les Palestiniens ont fait changer la dynamique : on savait qu’ils avaient le soutien de l’assemblée générale, mais c’est la première fois que le Conseil de sécurité est aussi soudé sur cette question », analyse un diplomate occidental.
Ce changement de paradigme n’a en tout cas pas échappé à l’ambassadeur israélien Gilad Erdan, qui a clôturé la session en « vaincu » malgré le blocage de la demande des Palestiniens. Il a critiqué le Conseil de sécurité, et a mis en garde ses membres qui venaient de prendre position pour l’adhésion des Palestiniens, leur prédisant qu’ils faisaient une « grave erreur ».

Par Carrie Nooten
Le Monde du 19 avril 2024



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