Venue des quatre coins de France, une délégation de maires, de responsables associatifs et de syndicalistes s’est rendue, fin juin, en Cisjordanie occupée à l’invitation de l’Association de jumelage des camps de réfugiés palestiniens avec les villes françaises.
Se rendre en Palestine n’est jamais anodin. Y aller dans le cadre d’une délégation de l’Association pour le jumelage des camps de réfugiés palestiniens avec les villes françaises (AJPF) l’est sans doute encore moins.
Fin juin, une petite quarantaine d’élus, de responsables d’associations et d’organisations syndicales, venus des quatre coins de France, ont fait le voyage, à l’invitation de l’association créée en 1999 par le militant communiste Fernand Tuil et le Palestinien Ahmed Muhaisen, aujourd’hui disparus.
Si les deux tiers d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds en Palestine occupée, tous y sont allés avec un objectif : faire vivre la solidarité concrètement et sur le terrain, porter haut les revendications de la reconnaissance d’un État palestinien et du droit au retour des réfugiés.
Un voyage initiatique
« J’imaginais que ce serait comme un voyage initiatique, et ça l’a été », confie Stéphane Buisine, conseiller municipal à Limay, jumelée depuis plus de vingt ans avec le camp de réfugiés de Shuafat. Avec Djamel Nedjar, maire communiste de cette ville des Yvelines, ils ont profité de leur passage en Palestine pour rencontrer le responsable du comité de résistance populaire de Shuafat.
Une séance de travail au cours de laquelle « on a beaucoup travaillé sur la question des déchets, de l’éducation et de l’intégration des femmes », détaille Stéphane Buisine. Pas de jumelage encore mais un premier voyage aussi, pour Carole Thomas. Élue à la solidarité à la mairie d’Alba-la-Romaine (Ardèche), elle mesure désormais « la réalité d’un système colonial, la toute-puissance de l’État israélien qui grignote le territoire palestinien ».
Si embarquer la population de sa ville dans un grand projet de coopération décentralisée lui semble pour l’instant prématuré, Carole Thomas assure que d’autres passerelles existent pour créer des liens de solidarité. Construire des projets d’échanges autour de l’archéologie en fait partie.
Lui aussi du voyage, Samy Charifi Alaoui a troqué, le temps d’une petite semaine, sa casquette de cheminot contre une bonne paire de baskets. Secrétaire général du secteur fédéral de la CGT cheminots de la région Paris-Est, il est « venu dans l’idée de (s)’engager dans une coopération avec un camp de réfugiés ». Mais les jours passant, les rencontres se faisant, les choses ne se sont pas passées comme prévu.
« La conviction très forte que c’était là que notre engagement serait utile »
« À Masafer Yatta, quand je me suis assis dans cette petite école menacée de destruction, j’ai tout de suite eu la conviction très forte que c’était là que notre engagement serait utile », confie le syndicaliste. Dans cette zone semi-désertique du sud de la Cisjordanie, les populations de tradition bédouine subissent quotidiennement les assauts de la colonisation. Il lui fallait acter un engagement concret.
Et c’est sous la forme d’une prise en charge financière du salaire d’une dizaine d’animateurs qu’il s’est concrétisé. « Les gamins du coin étaient même privés de leur camp d’été. On a fait en sorte qu’il puisse avoir lieu », sourit Samy.
Dans le camp de réfugiés de Nur Shams, dans le gouvernorat de Tulkarem, c’est une tout autre ambiance qui attendait les élus de la petite ville armoricaine de Rostrenen. Hymnes nationaux, spectacle de danse traditionnelle, la signature officielle de l’accord de coopération s’est faite en grande pompe.
Un brin impressionné, Guillaume Robic explique que « la grandeur de la cérémonie est à la hauteur de l’espoir que suscite ce genre d’accord ». Le maire de Rostrenen n’en était pas à sa première visite en Palestine. Sur place, il a constaté l’aggravation des tensions. « Il y a ici un véritable apartheid, un colonialisme territorial doublé d’un impérialisme culturel qui laissent un sentiment très fort de colère et d’indignation. »
Yveline Le Briand ne le contredira pas. Première adjointe à la mairie de Grigny (Essonne), elle est venue officialiser une démarche de jumelage, entamée un an plus tôt par Philippe Rio, le maire communiste de sa ville, avec le camp de réfugiés d’Aïda, au nord de Bethléem. Sensibilisée à la cause palestinienne, Yveline concède que ce voyage a eu sur elle l’effet d’un électrochoc. « Savoir est une chose, mais le vivre, être témoin de ce traitement réservé aux Palestiniens dans le silence ahurissant de la communauté internationale, dépasse l’entendement », confie l’élue.
La montée en tension de la situation sur place, constatée par toutes celles et tous ceux qui connaissaient le terrain, va de pair avec l’extrême-droitisation du pouvoir israélien, explique Isabelle Tordjman-Tuil.
Elle qui vient « depuis trente ans en Palestine » a vu « la colonisation s’intensifier ». « Les populations palestinienne et israélienne sont de plus en plus isolées les unes des autres », déplore la militante. Avant de conclure, sans jamais se lasser, que « la paix se fera par les peuples ».
Marion d’Allard
L'Humanité du 18 juillet 2023
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