Sauver la démocratie et maintenir l’occupation ?

 

L’Etat d’Israël fait face à un tournant majeur qui inquiète même ses amis les plus inconditionnels. La nouvelle majorité est décidée à imposer son dessein de faire voler en éclats l’indépendance du système judiciaire y compris son sommet, la Cour suprême. David Horovitz, le rédacteur en chef du site timeofisrael.com, prévient : la nouvelle loi « permettra à notre Premier ministre dûment élu, Binyamin Netanyahou, de jouir d’un grand nombre des pouvoirs autocratiques dont pourrait se vanter un pharaon moderne ». Ledit Netanyahou pourra en profiter pour s’extirper du cauchemar judiciaire qui le hante depuis des années (trois procès pour corruption qui pourraient lui valoir de la prison ferme). Ainsi, il n’a pas hésité à s’allier avec une formation suprémaciste juive fer de lance de la colonisation des territoires palestiniens occupés.
Beaucoup d’Israéliens sont révoltés. Des manifestations immenses se succèdent à bon rythme, drainant des centaines de milliers de citoyens qui entendent défendre le caractère démocratique de leur Etat. Les mots « risque de guerre civile » ont même été prononcés par le président de l’Etat, Yitzhak Herzog.
Il est bien dommage que seule une minorité en Israël saisisse la totalité du problème. La mobilisation sans précédent des Israéliens pour « sauver la démocratie » ne tient en effet pas compte de l’amère réalité. Car comme l’observe l’Israélienne Mairav Zonszein, du Crisis Group, un think tank international reconnu, « l’occupation militaire israélienne, qui dure depuis 56 ans, a systématiquement ignoré les principes de démocratie et d’égalité pour lesquels ils disent se battre ».
Notre confrère franc-tireur Gideon Levy surenchérit dans le Haaretz : « Quand la démocratie est criée avec pathos par des gorges enrouées, alors qu’à une demi-heure de route de la manifestation, des soldats (israéliens) arrachent nuit après nuit des civils (palestiniens) à leur lit sans mandat judiciaire, qu’une ville est sous couvre-feu parce qu’elle a été victime d’un pogrom, qu’un millier de personnes sont en prison sans jugement et que des adolescents lanceurs de pierres sont systématiquement abattus, l’hypocrisie est impossible à digérer. »
Depuis 1967, tous les gouvernements israéliens ont peu ou prou favorisé la colonisation des territoires palestiniens occupés. La Cour suprême d’Israël ne l’a jamais interdite. Même quand elle a généré une forme d’apartheid comme le clament nombre d’organisations très sérieuses en Israël et dans le monde. On ne le dira jamais assez : démocratie et occupation sont incompatibles. Point.

Baudouin Loos
Le Soir du 25 mars 2023

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