Le 10 mars dernier, deux puissances ennemies, l’Arabie saoudite et l’Iran, ont rétabli leurs relations diplomatiques, rompues depuis sept ans. Que nous dit cet accord – conclu sous les auspices de la Chine – de la complexité de l’ordre mondial actuel ? D’abord, qu’il peut y avoir, malgré le contexte général d’affrontements impitoyables, un espoir de paix là où on ne l’attendait pas. Y compris entre deux pays dont la rivalité stratégique et la concurrence religieuse alimentaient jusqu’ici maints conflits sanglants, au premier rang desquels l’effroyable guerre du Yémen. Ensuite, que des efforts diplomatiques opiniâtres peuvent arriver à bout d’obstacles présumés insurmontables : l’accord du 10 mars dernier est, en effet, l’aboutissement de plus de deux ans de négociations difficiles entre les deux adversaires. Enfin, que la Chine, médiatrice et garante de cet accord, confirme l’étendue de son influence jusque dans une région où Washington exerçait naguère un leadership sans rival et où les États-Unis conservent toujours un poids certain, mais rencontrent des résistances de la part de leurs alliés historiques.
Le fait que cet accord inédit a été annoncé, à la surprise générale, depuis Pékin, n’est, du reste, pas pour rien dans la discrétion des réactions américaines à cette nouvelle spectaculaire, d’autant qu’un conseiller du président Biden venait tout juste de s’entendre avec Benyamin Netanyahou pour encourager l’Arabie saoudite, au nom d’un front commun contre l’Iran, à normaliser ses relations avec… Israël, avec l’objectif de sortir l’État hébreu de son isolement dans le monde arabe. Ce dégel-là (au détriment des Palestiniens) semble désormais compromis.L’Union européenne a, quant à elle, salué – certes fort sobrement – les efforts diplomatiques chinois qui ont conduit à cette « étape importante », soulignant que la promotion de la paix et de la stabilité ainsi qu’un apaisement des tensions au Moyen- Orient étaient des priorités pour l’UE. Sur ce point, parallèlement à la solidarité avec le soulèvement des Iraniennes et des Iraniens pour un changement de régime, on ne peut qu’être d’accord.
Certes, il faut rester prudent : on n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise dans la mise en œuvre effective d’un accord entre des protagonistes aussi peu portés sur la collaboration au service de la paix. Le rôle du garant chinois dans la réussite de cette nouvelle dynamique sera, dès lors, important. Ce « challenge » que s’impose ainsi Pékin est en lui-même un fait politique majeur. Il intervient – fait significatif – au moment même où le président Xi Jinping prend des initiatives en faveur d’un règlement politique de la guerre en Ukraine et propose, après son voyage à Moscou, d’organiser un échange direct avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, « en vue de mettre fin à la guerre », précise le « Wall Street Journal ».
La diplomatie au service de la paix : voilà qui nous change du discours ambiant sur fond de fracas des armes et d’insupportables pertes humaines.
Francis Wurtz
L'Humanité du 25 mars 2023
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