Quand Riyad a pour Pékin les yeux de Chimène

 

L’Arabie saoudite a décidé de s’associer à l’Organisation de coopération de Shanghai, dominée par la Chine. Une des conséquences du rapprochement avec l’Iran.
La Chine est en pleine accélération diplomatique, politique et économique sur l’ensemble de la planète. Un mouvement opéré il y a de nombreuses années, particulièrement dès la fin de la guerre froide, prenant de plus en plus d’ampleur, notamment au Moyen-Orient.
Après sept ans de rupture, Riyad et Téhéran ont annoncé au début du mois le rétablissement de leurs relations diplomatiques à l’issue de pourparlers en Chine. Lundi 27 mars, le géant pétrolier saoudien Aramco révélait son intention d’acquérir une participation de 10 % dans une entreprise de pétrochimie chinoise, Rongsheng Petrochemical.
Cette prise de participation d’Aramco survient au lendemain de l’annonce par le pétrolier saoudien qu’il participera – avec deux entreprises chinoises – à la construction d’une raffinerie et d’une usine pétrochimique à Panjin, dans le nord-est de la Chine. Enfin, mercredi, le gouvernement saoudien approuvait la décision de rejoindre l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Le président Xi Jinping se félicite de cet « élan de détente » au Moyen-Orient
Celle-ci constitue une union politique et de sécurité de pays couvrant une grande partie de l’Eurasie. Jusqu’à présent, huit pays en étaient membres : la Chine, l’Inde, le Pakistan et la Russie, ainsi que quatre États d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Tadjikistan). L’OCS est d’ailleurs l’un des fers de lance de la géopolitique de Moscou dans son tournant vers l’Asie.
Parmi les autres pays ayant le statut d’observateur ou de partenaire du dialogue (comme l’Arabie saoudite dans un premier temps) de l’Organisation de coopération de Shanghai figurent l’Égypte, le Qatar et… l’Iran. C’est dire si une nouvelle configuration est en train de se mettre en place dans la région. Mardi, lors d’un échange téléphonique avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, le président chinois, Xi Jinping, se félicitait de ce que « l’élan de détente entre les pays de la région s’est récemment considérablement intensifié ». Il ajoutait : « Cela démontre pleinement que la résolution des conflits et des différends par le dialogue est (…) conforme aux intérêts de tous les pays. »
Ce réchauffement diplomatique entre Téhéran et Riyad pourrait avoir des retombées plus larges au Moyen-Orient, où Iran et Arabie saoudite appuient politiquement et militairement différentes parties au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen. L’Arabie saoudite a ainsi annoncé, la semaine dernière, des pourparlers avec la Syrie pour une reprise des services consulaires, plus d’une décennie après avoir rompu ses relations avec ce pays.

Des États-Unis arc-boutés sur une domination historique
Lors du dernier sommet de l’OCS, qui s’est tenu en septembre 2022 à Samarcande (Ouzbékistan), Xi Jinping ne cachait pas que, pour lui, l’Organisation devait «  renforcer la coopération et promouvoir la construction d’une communauté de destin plus étroite ». Une « communauté de destin » envisagée dans un environnement international tendu par la guerre en Ukraine, mais également par la rivalité croissante entre Washington et Pékin. Face à une Chine entreprenante et inventive dans le cadre d’un monde en renouvellement, les États-Unis apparaissent, à l’image de Joe Biden, poussifs et peu créatifs, arc-boutés sur une domination historique renforcée au lendemain de la chute de l’URSS.
Les élites américaines sont aujourd’hui à la peine, comme on le voit en Ukraine, n’ayant pour solution que l’envoi toujours plus massif d’armes, comme si la Russie allait disparaître sous la puissance de feu de ses ennemis.
Seule initiative notable de la Maison-Blanche, un sommet sur la démocratie, à l’heure où bon nombre de pays refusent de s’aligner derrière les États-Unis ou la Russie. Ce qu’a bien compris la Chine, qui leur offre de nouveaux espaces pas uniquement centrés sur la sécurité, bien que cette dimension ne soit pas négligée par l’Organisation de coopération de Shanghai.

Pierre Barbancey
L'Humanité du 31 mars 2023

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