Smotrich persona non grata à Washington

 

On ne connaît pas la qualité de l’insonorisation au Grand Hyatt Hotel, dans le centre de Washington, ni l’étage auquel résidait Bezalel Smotrich ce week-end. Mais le ministre israélien des finances a forcément entendu la foule rassemblée sur le trottoir. Et un mot, crié à tue-tête, écrit aussi sur les pancartes : « Honte ! » En ce dimanche 12 mars, quelques centaines de personnes se sont rassemblées pour protester contre la visite de cette figure d’extrême droite, ouvertement raciste. Une figure incarnant le nationalisme religieux qui impose sa vision et ses projets dans le nouveau gouvernement de Benyamin Nétanyahou.
A l’échelle de Washington et des manifestations habituelles des organisations de la diaspora juive, l’assistance était conséquente. Elle se voulait un écho lointain et solidaire à la mobilisation historique dans les rues israéliennes, depuis des semaines, contre la tentative de sabordage de la Cour suprême par la droite au pouvoir. Outre la présence policière, le hall de l’hôtel regorgeait de gardes de sécurité nerveux, scrutant chaque nouvel entrant. Dans l’une des salles de conférence, le ministre israélien était l’invité d’honneur de l’organisation Israel Bonds, qui promeut l’achat de bons d’Etat. Se félicitant d’avoir dans son histoire levé 48 milliards de dollars (45 milliards d’euros) pour Israël, l’organisation se défend, dans un communiqué, de tout engagement partisan. Mais son invité est devenu infréquentable.
La venue même de Bezalel Smotrich dans le pays a été questionnée. Le département d’Etat a étudié la possibilité, avant d’y renoncer, de ne pas lui accorder un visa officiel, en raison de ses propos sur le village palestinien de Hawara, qu’il proposait de « rayer de la carte ». Smotrich s’est excusé, de façon peu convaincante. « Ça arrive à tout le monde » , a-t-il écrit sur Twitter, d’employer des mots sévères. La quasi-totalité des organisations juives ont refusé tout contact avec le ministre, y compris celles respectant d’habitude une neutralité sur les questions partisanes.
La figure de Smotrich a servi d’élément unificateur pour ces dizaines d’organisations juives qui rejettent son acception purement religieuse, intolérante et radicale, du judaïsme. Mais, au-delà de la personnalité du nouveau ministre, elles ne sont pas forcément d’accord sur le lien à établir entre l’attaque de la droite israélienne contre l’Etat de droit et la question de l’occupation en Cisjordanie, qui est de plus en plus une annexion de fait. Certains ne veulent aborder que la première, pour ne pas se déchirer une nouvelle fois.

Piotr Smolar
Le Monde du 14 mars 2023

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