La Tunisie rejette des propos «disproportionnés» de Borrell

 

La Tunisie a rejeté mardi des propos «disproportionnés» du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell , qui s'était inquiété la veille de la situation dans le pays, redoutant son « effondrement ». Cette réaction survient alors qu'une délégation de l'UE est attendue ce mardi en Tunisie pour évaluer la situation dans le pays, en proie à une grave crise socio-économique et où l'opposition dénonce un recul des droits et des libertés depuis que le président Kais Saied s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021. « Les propos prononcés sont disproportionnés tant au vu de la résilience bien établie du peuple tunisien tout au long de son histoire, que par rapport à une menace migratoire vers l'Europe en provenance du sud », a réagi le ministère tunisien des Affaires étrangères dans un communiqué.
« Ces propos sélectifs continuent d'ignorer toute responsabilité (de l'UE) dans la situation qui a prévalu en Tunisie et ailleurs, notamment depuis 2011 et jusqu'au 25 juillet 2021 », soit la période allant de la révolution qui a renversé la dictature jusqu'au coup de force du président Kais Saied. Parlant à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Bruxelles, M. Borrell avait averti mardi que la situation en Tunisie était « très dangereuse », évoquant même un risque d'« effondrement »de l'État susceptible de « provoquer des flux migratoires vers l'UE et entraîner une instabilité dans la région MENA » (Moyen-Orient et Afrique du Nord).
La Tunisie dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 km de l'île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, originaires en majorité de pays d'Afrique subsaharienne, vers l'Italie. Selon des chiffres officiels italiens, plus de 32.000 migrants sont arrivés clandestinement en Italie en provenance de Tunisie en 2022. M. Saied avait suscité un tollé en février en dénonçant la présence en Tunisie de « hordes » d'immigrés clandestins d'Afrique subsaharienne et une « entreprise criminelle » visant selon lui à modifier la démographie de son pays.

«Très grave»
Par ailleurs, les autorités ont arrêté depuis février plusieurs personnalités de l'opposition, des ex-ministres, des hommes d'affaires et le directeur de la radio privée la plus écoutée de Tunisie. Ces arrestations sont survenues alors que la Tunisie, en proie à une grave crise financière, négocie depuis plusieurs mois avec le Fonds monétaire international (FMI) un prêt de près de deux milliards de dollars « L'Union européenne ne peut pas aider un pays incapable de signer un accord avec le Fonds monétaire international », a soutenu M. Borrell. « Le président Kais Saied doit signer avec le FMI et mettre en œuvre l'accord, sinon la situation sera très grave pour la Tunisie ».
La représentation de l'UE à Tunis a indiqué dans la matinée qu'une délégation européenne, dont l'envoi avait été annoncé lundi par M. Borrell lundi, était attendue en Tunisie dès ce mardi. Selon M. Borrell, cette mission doit mener « une évaluation de la situation pour permettre à l'UE d'orienter ses mesures ». Conduite par Gert Jan Koopman, directeur général pour le Voisinage, Johannes Luchner, directeur général adjoint chargé des migrations et Luigi Soreca, envoyé spécial pour les aspects extérieurs des migrations, cette délégation doit rencontrer plusieurs ministres lors de son séjour, selon l'UE.
« Les discussions devraient porter, entre autres, sur la situation politique et socio-économique en Tunisie et sur la manière dont l'UE peut continuer à soutenir au mieux la population tunisienne dans le contexte actuel », selon un communiqué de la délégation de l'UE à Tunis. « La visite sera également l'occasion d'aborder la coopération entre l'UE et la Tunisie en matière de migration et d'identifier des pistes d'engagement concrètes », a ajouté le texte.

Afp du 21 mars 2023

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