«Faux, irrespectueux, dangereux et contre-productifs», a réagi l'Union européenne, via son bureau à Jérusalem. «Racistes, incendiaires et inacceptables», a protesté l'Egypte, lundi. «Irresponsables», a jugé à son tour le Quai d'Orsay, mardi. Un concours de qualificatifs a été lancé pour dénoncer les propos du ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, tenus lors d'une réunion publique dimanche à Paris. «Il n'y a pas de Palestiniens car il n'y a pas de peuple palestinien», avait ainsi déclaré dimanche soir ce suprémaciste juif en visite privée en France. Des propos diffusés en direct et largement partagés sur les réseaux sociaux. Mais l'indignation a-telle encore du poids face l'impunité dont jouit la politique israélienne ? «Après 2000 ans d'exil, les prophéties [de la Bible] commencent à se réaliser et le peuple d'Israël retourne chez lui», a dit le ministre du gouvernement Nétanyahou. «Il y a des Arabes autour qui n'aiment pas cela, alors que font-ils ? Ils inventent un peuple fictif et prétendent à des droits fictifs sur la terre d'Israël», a ajouté celui qui est aussi en charge des Affaires civiles en Cisjordanie occupée. «C'est la vérité historique, c'est la vérité biblique et cette vérité, les Arabes en Israël doivent l'entendre [et elle] doit être entendue ici au palais de l'Elysée, et à la Maison Blanche à Washington», a clamé le défenseur du «Grand Israël», qui veut soumettre le système juridique israélien à la Torah. Oserait-on la comparaison avec les partis islamistes qui veulent instaurer la charia dans leur pays ? Dans son langage excessif de colon devenu ministre, Bezalel Smotrich ne devrait-il pas même être salué pour sa franchise? Il n'a fait que mettre des mots crus sur des faits: la politique israélienne de négation des Palestiniens en tant que peuple. Elle remonte à bien avant le gouvernement actuel, le plus à droite de l'histoire d'Israël. Sans revenir à Golda Meir, ancienne Première ministre travailliste, qui déclarait en 1969 que «les Palestiniens n'existent pas», les dirigeants israéliens s'emploient depuis des décennies à priver les «natifs», comme diraient les Américains, de leurs droits à la terre, à la souveraineté, à un drapeau, à un Etat et à leurs ressources. Le rejet par les gouvernements israéliens successifs de toute solution fondée sur le partage de la terre selon le droit et les résolutions de l'ONU n'est même plus dénoncé par la communauté internationale. Encore moins l'illégalité de l'occupation de la Cisjordanie ou l'annexion de Jérusalem. Le rappel routinier par les diplomates européens de «l'attachement à la solution des deux Etats», lors de chaque «montée des tensions» selon les formulations des communiqués officiels, n'est que rhétorique. En recevant à l'Elysée le mois dernier Benyamin Nétanyahou, peu après la formation de son gouvernement extrémiste et alors que des Palestiniens tombaient quotidiennement sous les balles de l'armée israélienne, Emmanuel Macron a préféré concentrer les discussions sur l'Iran.
L'indignation suscitée çà et là depuis deux jours par les propos du ministre israélien extrémiste sera vite oubliée. On peut en prendre le pari. Se souvient-on d'ailleurs qu'il y a une quinzaine de jours, le même Bezalel Smotrich avait appelé à «l'anéantissement» de la ville palestinienne de Huwara, qui venait d'être dévastée par les colons en Cisjordanie, après l'assassinat de deux des leurs? «Ces propos sont inacceptables, irresponsables et indignes de la part d'un membre du gouvernement israélien», avait déclaré alors la porte-parole du Quai d'Orsay. «C'était irresponsable, c'était répugnant, c'était dégoûtant», avait renchéri à Washington le porte-parole du département d'Etat américain, Ned Price.
La récidive de Smotrich dans son franc-parler ne lui coûtera pas cher. ?
Par Hala Kodmani
Libération du 23 mars 2023
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