L'intensification des violences en Cisjordanie occupée est au coeur des préoccupations des forces de défense israéliennes. L'armée y est constamment harcelée et effectue, quasiment quotidiennement, des opérations de « contre-terrorisme » . Dans la nuit de lundi à dimanche, quatorze Palestiniens ont ainsi été arrêtés en Cisjordanie, a annoncé lundi matin l'armée israélienne. Dimanche, dans la Vieille Ville de Jérusalem, un adolescent de 13 ans a été arrêté en possession d'un couteau : la police le suspecte d'avoir voulu lancer une attaque terroriste.
Depuis le début de l'année, dix-sept Palestiniens ont été tués lors d'accrochages avec les forces israéliennes. Ce bilan se situe dans la continuité de celui de 2022, où le nombre de Palestiniens tués en Cisjordanie, exception faite de Jérusalem-Est, s'élève à 144. De leur côté, les Israéliens déplorent 31 victimes du terrorisme. 2022 est de ce fait considérée comme l'année la plus meurtrière du conflit israélo-palestinien depuis 2004.
Gel des permis de construire
En début de semaine dernière, la première journée du nouveau chef d'état-major de l'armée israélienne a été consacrée à la situation en Cisjordanie. Le lieutenant général Herzi Halevi s'est rendu dans le poste de commandement central de Tsahal, au nord de Jérusalem. D'après la presse israélienne, Tsahal est préoccupée à deux titres. « Elle se prépare , explique le journal Maariv , à une escalade des hostilités en Judée et Samarie (la Cisjordanie occupée, NDLR), à davantage d'attaques terroristes, couplées à un affaiblissement progressif de l'Autorité palestinienne qui pourrait conduire à une guerre de succession entre les officiels palestiniens désireux de prendre la place d'Abou Mazen (Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne). » L'armée s'inquiète aussi du transfert de compétences sur la gestion de la Cisjordanie au ministère des Finances, dirigé par Bezalel Smotrich, et au ministère de la Sécurité nationale, dirigé par Itamar Ben Gvir. Tous deux sont des sionistes religieux, partisans de la colonisation à grande échelle de la Cisjordanie.
Sitôt après sa prise de fonction, le gouvernement de Benyamin Netanyahou a pris des mesures sévères contre l'Autorité palestinienne. En réaction à une requête de l'Autorité palestinienne auprès de la Cour de justice internationale, le cabinet de sécurité israélien a gelé les permis de construire dans une grande partie de la Cisjordanie puis a saisi des recettes douanières perçues par Israël et en principe reversées à l'Autorité palestinienne, pour qui elles représentent une source de revenus vitale. Interrogé à ce sujet, Bezalel Smotrich, le ministre des Finances, qui siège au cabinet de sécurité, a eu des mots assez clairs au sujet de l'Autorité palestinienne. « Dans la mesure où elle encourage le terrorisme, je n'ai aucun intérêt à ce qu'elle continue à exister » , a-t-il expliqué.
Mahmoud Abbas de plus en plus affaibli
Du point de vue de nombreux Palestiniens, l'Autorité palestinienne est complètement décrédibilisée. C'est l'avis de Samir Hulileh, le président de la Bourse de Palestine. Cet homme d'affaires âgé de 65 ans a travaillé au sein de l'Autorité palestinienne à deux reprises. Il s'est impliqué dans la mise en place des accords de Paris, le versant économique des accords d'Oslo. « Je ne pense pas qu'Israël souhaite démanteler l'Autorité palestinienne, estime-t-il. Mais il veut une Autorité extrêmement faible, qui soit simplement son agent. » Selon lui, les Palestiniens ne comptent plus sur l'Autorité palestinienne pour les défendre face aux colons et aux incursions de l'armée, ce qui pourrait en conduire de plus en plus à prendre les armes. « La situation est très inquiétante. Il y a tous les ingrédients pour une nouvelle Intifada. Mais cette fois-ci, celle-ci pourrait aussi se retourner contre l'Autorité palestinienne » , craint-il.
De son côté, Mahmoud Abbas, 87 ans, semble de plus en plus affaibli. « Il se comporte comme un grand-père. Il attend , peste Samir Hulileh. Malgré les changements idéologiques en Israël, malgré le fait qu'ils nous prennent des terres tous les jours, qu'ils tuent nos jeunes. » En quête de soutien, le leader palestinien s'est récemment rendu au Caire, où il devait rencontrer le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, et le roi Abdallah de Jordanie, afin d'évoquer les dernières sanctions israéliennes.
"La situation est très inquiétante. Il y a tous les ingrédients pour une nouvelle Intifada. Mais cette fois-ci, celle-ci pourrait aussi se retourner contre l'Autorité palestinienne" Samir Hulileh, président de la bourse de Palestine.
de Dieuleveult, Guillaume
Le Figaro du 26 janvier 2023
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