Plan Trump pour Gaza : « L’ONU a accepté que la voix palestinienne soit traitée comme négligeable »

 

Dans une tribune au « Monde », la spécialiste des questions humanitaires Tatiana Svorou déplore que le Conseil de sécurité des nations unies ait approuvé un plan de paix pour l’enclave conçu sans les Palestiniens, alors que l’instance est censée protéger le droit à l’autodétermination.

Le 17 novembre 2025, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé ce qui est désormais connu sous le nom de « Plan Trump pour Gaza ». Avec 13 voix pour, aucune contre, et deux abstentions, il a été adopté sans veto, sans défi procédural ni débat substantiel. Ce faisant, l’organe politique le plus puissant au monde a ratifié un plan élaboré loin de Gaza et sans la participation de celles et ceux qui s’apprêtent à voir leur quotidien bouleversé par ces décisions. Ce mode de résolution du conflit reflète moins un consensus international qu’un silence calculé permettant au plan d’avancer sans opposition.
Au cœur de la résolution se trouve le nouveau « Conseil pour la paix », un organe transitoire chargé de superviser la gouvernance et la reconstruction de Gaza. Sa conception, son leadership et ses priorités ont été définis en dehors du territoire qu’il devrait administrer. Les Palestiniens n’ont aucun rôle dans la définition de son mandat ou le choix de ses dirigeants. Leur participation est réduite à un prétendu « comité technocratique », dont le rôle est administratif plutôt que politique. Cette structure consolide l’autorité des puissances étrangères et réduit l’implication palestinienne à peau de chagrin.
En parallèle, la résolution autorise une Force internationale de stabilisation (ISF) dotée de larges pouvoirs coercitifs : désarmement des groupes armés, application des directives sécuritaires, contrôle des frontières et gestion de la démilitarisation interne. Ce déploiement s’effectue sans le consentement de la population de Gaza. Les factions palestiniennes ont rejeté l’idée d’une force étrangère armée dotée de pouvoirs exécutifs, mais leur position n’a eu aucun impact sur les délibérations du Conseil. En conséquence, la résolution n’établit aucun mécanisme permettant aux Palestiniens de superviser, d’influencer ou de contrôler cette force.

Une autonomie à « mériter »
En outre, le texte évoque la possibilité d’un Etat palestinien, mais uniquement après que les Palestiniens auront satisfait des conditions définies par des acteurs extérieurs. En liant la souveraineté à la performance, la résolution transforme l’autodétermination – un droit inhérent et immédiat – en un objectif différé.
Le droit international – la Charte de l’ONU, les pactes internationaux et la jurisprudence établie – affirme clairement que la souveraineté ne repose pas sur une certification extérieure. Pourtant, la résolution reformule l’autonomie comme quelque chose que les Palestiniens doivent « mériter », contredisant le principe fondamental de la décolonisation, inscrit dans le droit coutumier, selon lequel l’autodétermination est un droit à réaliser plutôt qu’un statut à accorder. Une logique similaire régit la discussion sur le retrait israélien.
Au lieu de fonder le retrait sur les obligations juridiquement contraignantes d’Israël en tant que puissance occupante, la résolution le subordonne à des conditions telles que la démilitarisation et la restructuration politique. Cette approche permet à Israël de conserver un levier tout en réduisant ses responsabilités immédiates au titre de la quatrième Convention de Genève.

Une contradiction centrale du système international
Tout au long des négociations de ce plan de paix, aucune alternative fondée sur la participation démocratique palestinienne ou sur un leadership palestinien n’a été examinée. Le Conseil a validé un cadre qui traite l’autodétermination palestinienne comme discrétionnaire et la voix palestinienne comme négligeable. Ce résultat révèle une contradiction centrale du système international : l’institution chargée de protéger l’autodétermination a approuvé un modèle qui la repousse. En soutenant un régime de tutelle étrangère, de contrôle sécuritaire externe et de souveraineté conditionnelle, le Conseil contourne ses obligations juridiques visant à démanteler les structures de domination et à garantir les droits des populations gouvernées.
Tant que le système international ne confrontera pas l’écart profond entre ses engagements juridiques et ses comportements géopolitiques, chaque « plan de paix » imposé aux Palestiniens fonctionnera moins comme une voie vers la justice que comme un mécanisme sophistiqué de retardement – maintenant l’avenir d’un peuple en otage des intérêts de ceux qui prétendent l’arbitrer.

Tatiana Svorou,
spécialiste des affaires humanitaires et de la communication dans le domaine humanitaire.
Tribune - Le Monde du 04 décembre 25

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