| Sous la menace d’Airbus, le gouvernement espagnol est revenu sur son embargo militaire contre Israël.© Frank Hoermann / Sven Simon/ZUMA Press/ZUMA/REA |
Mal nécessaire ou renoncement ? Deux mois et demi après l’adoption par le Congrès espagnol du décret-loi 10/2025 instituant un embargo sur les contrats d’armement avec Israël, le gouvernement de coalition de gauche dirigé par le socialiste Pedro Sánchez a approuvé l’activation d’une clause d’exception autorisant l’importation de composants fabriqués par les entreprises israéliennes Elbit Systems et Elta System.
Une autorisation « concédée de façon exceptionnelle ; n’exist (ant) pas d’alternatives immédiates » – selon la minute du Conseil des ministres tenu la veille du réveillon de Noël, dans le cadre du développement de quatre programmes industriels militaires menés par le constructeur aéronautique européen Airbus.
Le gouvernement espagnol se soumet aux pressions économiques
Ceux-ci concernent l’avion de transport A400M, l’avion ravitailleur en vol A330 MRTT, l’avion de patrouille maritime C295 et le drone tactique SIRTAP, des appareils principalement montés dans deux usines situées en banlieue de Séville et de Madrid.
Selon le compte-rendu du Conseil des ministres, ces projets industriels sont « considérés comme indispensables à la viabilité économique des lignes de production et à la préservation d’emplois hautement qualifiés en Espagne », d’autant plus que leur révision pourrait affecter « l’autonomie stratégique » espagnole ainsi que « les intérêts généraux nationaux ».
Des arguments qui avaient toutefois d’abord été rejetés par le ministère de la Défense espagnol, chargé depuis mai dernier de mettre en œuvre le « plan de désengagement technologique » avec l’industrie militaire israélienne. Une mesure forte adoptée en mai dernier au nom de la souveraineté technologique dans le domaine de la défense, mais aussi en réponse au génocide perpétré à Gaza par le gouvernement de Benyamin Netanyahou. Toutefois, El País semble indiquer que c’est finalement le bureau de la présidence qui aurait eu le dernier mot, en se faisant le porte-voix d’Airbus au Conseil des ministres.
« Le gouvernement a activé l’exception au veto sur les armes israéliennes après que l’entreprise a menacé de retirer ses programmes d’Espagne », a rapporté le quotidien. Soit plusieurs millions d’euros en jeux, mais aussi « le maintien de milliers d’emplois » mis sur la sellette par le constructeur européen si le gouvernement « n’acceptait pas l’importation d’équipements militaires israéliens », selon des sources gouvernementales consultées par El País.
Airbus accusé de financer indirectement des violences en Palestine
« Le chantage sur les emplois est systématique », signale Mathieu Rigouste, chercheur indépendant en sciences sociales qui dénonce le recours récurrent à un faux argument avancé par l’industrie militaro-sécuritaire « pour braquer l’argent public et justifier le fait de d’alimenter des conflits dans le monde, des conflits qui frappent constamment les classes populaires et les populations civiles ».
Dans le cas précis de l’influence exercée par Airbus vis-à-vis du gouvernement de Pedro Sánchez, Mathieu Rigouste pointe du doigt « l’illustration typique » du rôle que jouent les géants industriels militaro-sécuritaires européens dans la « collaboration » avec Israël. « N’oublions pas que ces importations participent au financement de massacres de masse en Palestine ; cette « coopération » est donc aussi révélatrice du rôle que joue ces entreprises dans la complicité des États européens avec le processus génocidaire toujours en cours en Palestine », ajoute le chercheur.
Répercussions industrielles et sur l’emploi et impact sur les intérêts stratégiques nationaux : reste à voir le poids qu’auront ces justifications du gouvernement Sánchez auprès de l’opinion publique espagnole, très majoritairement opposée au gouvernement sioniste d’Israël et fortement mobilisée en faveur du peuple palestinien. Conformément aux dispositions du décret-loi 10/2025, le gouvernement devra comparaître devant le Congrès dès la reprise des activités parlementaires afin d’expliquer les raisons de sa décision.
Luis Reygada
L'Humanité du 29 décembre 2025
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