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Gaza, une guerre coloniale sous la direction de Véronique Bontemps et Stéphanie Latte Abdallah, éditions Actes Sud Sindbad, 320 pages, 23 euros |
Près de vingt mois après le déclenchement de la guerre d’Israël contre la population de Gaza, un certain nombre d’ouvrages commencent à traiter le sujet. Pas toujours de très bonne manière. En revanche, l’ouvrage publié sous la direction de Véronique Bontemps et Stéphanie Latte Abdallah, respectivement anthropologue et historienne-anthropologue du politique, est à lire de toute urgence. Les deux autrices ont fait le choix de nommer ce qui se passe à Gaza « une guerre coloniale ».
Tout simplement parce que si Israël a pris prétexte de l’attaque du 7 octobre et de ses 1 200 morts, essentiellement israéliens, pour attaquer le territoire palestinien avec un déchaînement rarement vu (près de 60 000 tués par les bombes israéliennes, 80 % du territoire détruit…), « l’histoire n’a pas commencé le 7 octobre », rappellent-elles.
Cette guerre « s’inscrit dans un conflit historique, ancré dans un processus colonial et fondé sur le non-respect du droit international par la puissance occupante israélienne ». Ce terme « colonial » est central. Il convient dès lors de « sortir l’analyse des politiques de l’État d’Israël de l’exceptionnalité et de les resituer – sans les assimiler – dans un cadre comparatif avec d’autres phénomènes de peuplement dans le monde, et ce, bien avant 1948 ». Les États-Unis ne sont pas le moindre des modèles…
« Faire apparaître les continuités à travers les ruptures »
Ce livre évite un certain nombre d’écueils, à commencer par une approche trop centrée sur le temps présent alors que l’histoire est en train de s’écrire. Il s’agit donc de prendre un recul d’autant plus nécessaire que le 7-Octobre demeure une véritable déflagration. D’où la nécessité de convoquer plusieurs disciplines : histoire, relations internationales, sociologie, économie, anthropologie, droit. Il importe « de faire apparaître des continuités à travers les ruptures », soulignent Véronique Bontemps et Stéphanie Latte Abdallah dans leur introduction.
Pour cela, le traitement proposé se déroule à hauteur et échelle humaines. Le choix assumé se trouve tout entier dans le parti pris d’aborder les événements à partir de points de vue disciplinaires, géographiques et personnels différents. C’est là la grande originalité de cet ouvrage suivant quatre parties : Une déflagration guerrière ; Des continuités ; Effacer une société ; Quotidiens ; La région et le monde face à la guerre.
Se dessinent au fil des contributions signées Leila Seurat, Amélie Ferey, Abaher el-Sakka, Thomas Vescovi ou Johann Soufi, l’échec du droit international, le génocide d’un peuple, un « urbicide », un « futuricide » et même un « culturicide ». Autant de pièces d’un même puzzle. Celui d’une entreprise coloniale bâtie sur la destruction de l’autre. On distingue alors mieux les logiques en cours dans les massacres à Gaza. Tout comme l’apartheid qui règne sur les territoires palestiniens, cet acharnement sanglant – la faim et les bombes – contre les Palestiniens, ce « processus de destruction et d’effacement » n’est autre que le fruit de l’occupation et de la colonisation, qui a commencé bien avant le 7 octobre 2023.
Pierre Barbancey
L'Humanité du 27 juin 2025
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