Fiole, schéma, bombe

 

Au moins Colin Powell avait-il pris la peine de brandir une fiole – certes truquée – pour « prouver » devant l’ONU l’existence d’armes de destruction massive en Irak. C’était en 2003, à New York. Le secrétaire d’État américain cherchait à rallier la communauté internationale à une guerre déjà décidée, contre Saddam Hussein. Près de dix ans plus tard, en 2012, Benyamin Netanyahou ne fera même plus cet effort : un dessin grossier, censé représenter la progression du programme nucléaire iranien, suffira à illustrer l’imminence d’une menace. « Dans quelques mois, peut-être quelques semaines », jurait-il à la tribune des Nations unies. Treize années ont passé et Netanyahou ne prend même plus la peine de prévenir. Il attaque. Officiellement, pour empêcher les mollahs d’obtenir la bombe atomique. Il pousse encore plus loin le précédent américain de 2003. Mais sur la base de quelles preuves ? Mystère.
S’il peut se le permettre, il le doit un peu à Colin Powell. En 2003, le multilatéralisme a reçu un coup très rude, en dépit de la position courageuse de la France, alors portée par Dominique de Villepin. En 2025, la diplomatie française semble avoir perdu cette voix singulière. Timorée, silencieuse, elle observe une nouvelle fuite en avant guerrière sans oser en dénoncer les risques. Comment éviter une nouvelle prolifération nucléaire, si le droit international est foulé aux pieds ?
Des régimes autoritaires pourraient être tentés de tirer une conclusion cynique, mais logique : seule l’arme nucléaire garantit la survie face à l’intervention étrangère. L’Iran, en premier lieu, pourrait faire ce calcul. C’est peut-être d’ailleurs pourquoi, derrière l’obsession nucléaire de Netanyahou, un projet plus vaste se dessine, celui d’un remodelage régional par la force qui passe par un changement de régime à Téhéran. Or, là encore, les leçons de 2003 sont claires : en Irak, la guerre a nourri le chaos et le chaos a enfanté de nouveaux monstres. On ne construit pas la paix sur les ruines du multilatéralisme. C’est pourquoi le moment est si dangereux et l’action impérative.

Cédric Clérin
L'Humanité du 18 juin 2025



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