Liberté pour Georges Abdallah...

 

Georges Ibrahim Abdallah : « Je suis victime d’une décision politique »

Sous le numéro d’écrou 2388/A221, Georges Ibrahim Abdallah est le plus ancien prisonnier politique d’Europe avec quarante années d’incarcération. Le militant communiste libanais revient sur les bombardements dramatiques à Gaza et au Liban alors que sa nouvelle demande de libération devrait être tranchée ce vendredi 15 novembre 2024.

L’Humanité a rencontré, ce jeudi 14 novembre, le militant communiste libanais incarcéré au centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Condamné à perpétuité pour complicité d’assassinat sans réelles preuves, Georges Ibrahim Abdallah est libérable depuis 1999.
Ces vingt-cinq dernières années, onze demandes de remise en liberté ont été formulées, toutes refusées. Ce vendredi, le tribunal d’application des peines doit rendre sa décision sur une douzième demande. Combatif et vif d’esprit, il appelle à la mobilisation des progressistes en soutien aux Palestiniens et aux Libanais.

Dans quel état d’esprit êtes-vous, à la veille d’une nouvelle décision judiciaire capitale ?
Ma libération est un détail. Face à la situation du monde, aux attaques répétées contre le droit des peuples et leur liberté. Je suis sorti de ma dernière audience, le 7 octobre dernier, effaré par le manque de connaissance des juges sur la situation du Moyen-Orient. Le procureur a multiplié les contre-vérités. Pour moi, c’est inacceptable. Mon engagement pour la cause palestinienne ne date pas d’hier, ni du 7 octobre 2023.
J’ai dû leur rappeler. Je suis militant communiste depuis mes 16 ans, les 12 et 13 septembre 1982, j’étais dans les camps de Sabra et Chatila, en soutien à la cause. À l’époque, les présidents français François Mitterrand et américain Ronald Reagan s’étaient portés garants de la sécurité dans les camps.
La France avait donné sa parole. Il y a eu un massacre et 4 000 personnes ont été exécutées. Aujourd’hui, les hautes instances judiciaires, en France, sous-estiment le fait qu’Israël est susceptible de commettre un génocide, or, c’est exactement ce que les Israéliens et les Américains sont en train de perpétrer à Gaza et au Liban. Je ne lâcherai jamais mes engagements de jeunesse. Mes engagements de toujours.

Comment analysez-vous un tel acharnement judiciaire et politique contre vous ?
Je suis évidemment et surtout victime d’une décision politique. Si je suis libéré, à leurs yeux, cela représenterait une victoire des opposants à Israël.

Après le peuple palestinien, c’est aujourd’hui le peuple libanais qui souffre de l’armée israélienne…
C’est insupportable. Ce qui se passe depuis plus d’un an à Gaza se reproduit à Beyrouth, dans un silence assourdissant de la communauté internationale et des forces dites démocratiques. Dans l’enclave palestinienne, ils affament la population, ils détruisent les universités, les écoles, les hôpitaux.
Au Liban, ils bombardent les villages maronites pour chasser les réfugiés qui viennent du sud. C’est abject. Tout le monde sait ce qu’il se passe. Tout cela se déroule sous nos yeux. Des millions de personnes dans le monde assistent à ce génocide en cours. Ce silence assourdissant est criminel. Y compris de la part des intellectuels qui, en Occident, ne réagissent pas non plus.
Au-delà de la Palestine, du Liban, nous assistons au paroxysme de la crise du capitalisme, celui-là même qui mène aux barbaries que nous vivons aujourd’hui. La fascisation du monde est en marche et les premières victimes en seront – comme toujours – les communistes qui ont toujours payé le prix fort.
Les communistes n’ont pas le droit de ne pas en tenir compte. Ils ont l’arsenal conceptuel et culturel pour comprendre et prévoir ce qui risque d’advenir sur la scène internationale. Face à cette situation de crise profonde, les hommes et les femmes doivent prendre leurs responsabilités.
Regardons ce qu’il se passe : du Liban, les échos qui me reviennent confirment qu’une résistance existe, qu’elle est forte et qu’elle s’exprime. Malgré son arsenal militaire américain, l’armée israélienne ne parvient pas à pénétrer en profondeur dans le pays. Ils n’arriveront pas à nous diviser.
La résistance est forte, ça ne veut pas dire qu’elle va gagner. Mais, pour nous, ne pas perdre, c’est déjà gagner. À Gaza, les enfants du génocide ne peuvent, malheureusement, pas être pacifistes. On aimerait qu’ils deviennent poètes. Ce ne sera pas le cas.

Quel message adressez-vous aux militants de votre libération ?
Nous devons, collectivement, continuer de demander l’application des conquis de l’humanité gagnés par des millions de personnes tout au long de l’histoire contemporaine et notamment en termes de droit international. C’est à vous, camarades, partout, ici en France et dans le monde entier, de réagir et d’agir.
On ne peut pas demander aux seuls Libanais et Palestiniens de défendre l’humanité. Ce n’est qu’ensemble et toujours ensemble, aujourd’hui comme demain, que nous lutterons pour les droits des peuples et leur respect. C’est la responsabilité des camarades, c’est à eux de garder ce fil rouge.

Alain Raynal
L'Humanité du 14 novembre 2024

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