Après 40 ans en prison, Georges Ibrahim Abdallah enfin libre

 

Une manifestation le 26 octobre devant la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) pour exiger la libération de Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré depuis 40 ans. © Patricia Huchot-Boissier/ABACAPRESS.COM
Le plus ancien prisonnier politique d’Europe, le communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah, défenseur des droits des Palestiniens, va recouvrer sa liberté après quarante ans de détention.
C’était sa onzième demande de libération conditionnelle. Après quarante ans passés en prison, le militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah a enfin vu, ce 15 novembre, sa requête acceptée par le Tribunal d’application des peines. Sa libération qui constitue sans conteste une victoire pour le droit valait toutefois ce commentaire du militant, dans une interview accordée la veille à l’Humanité : « Ma libération est un détail. Face à la situation du monde, aux attaques répétées contre le droit des peuples et leur liberté. » Dans cet entretien exclusif, il commentait par ailleurs : « Si je suis libéré, à leurs yeux, cela représenterait une victoire des opposants à Israël. »
Immédiatement, le parquet national antiterroriste (Pnat) a annoncé faire appel. « Par décision en date du jour, le tribunal d’application des peines a admis Georges Ibrahim Abdallah au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 6 décembre prochain, subordonnée à la condition de quitter le territoire national et de ne plus y paraître », détaille le Pnat dans un communiqué.
Défenseur du droit des Palestiniens, Georges Ibrahim Abdallah était libérable depuis 1999. Instituteur dans la plaine de la Bekaa, issu d’une famille chrétienne maronite, le militant se rapproche dans sa jeunesse du Mouvement nationaliste arabe (MNA) et du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) avant de participer à la création des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), organisation communiste et anti-impérialiste.

Une justice aux ordres
En pleine guerre civile au Liban et alors que l’invasion israélienne fait rage, il est envoyé en France quand survient, en 1982, l’assassinat de l’attaché militaire adjoint de l’ambassade des États-Unis à Paris. Quelques mois plus tard, un diplomate israélien est également assassiné. A la même époque, plusieurs cadres de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) sont également assassinés à Paris sans que la justice ne fasse autant de zèle.
En octobre 1984, alors qu’il pense être traqué par des agents du Mossad, les services de renseignements israéliens le poursuivent, Georges Ibrahim Abdallah se réfugie dans un commissariat de Lyon pour demander protection. Ce sont en réalité des agents français.
La Direction de la surveillance du territoire (DST) s’aperçoit qu’il est le cofondateur des FARL qui revendiquent à l’époque cinq attentats, dont quatre mortels, en France. Il est arrêté puis condamné en 1986 à quatre ans de prison pour détention d’arme et usage de faux papiers. Malgré ses dénégations, il est de nouveau jugé le 28 juillet 1987 pour complicité d’assassinat et condamné à la perpétuité dans un contexte d’attentats de groupes pro-iraniens à Paris.

La solidarité à l’oeuvre
En France et dans le monde, des comités de soutien se forment pour exiger sa libération. Mais les pressions états-uniennes sur les autorités françaises, ainsi que la conviction de responsables, comme le socialiste Manuel Valls, lorsqu’il occupait le ministère de l’Intérieur, se chargent de maintenir Georges Ibrahim Abdallah à l’ombre alors qu’une demande de liberté est acceptée en 2013. L’affaire est politique.
Soutien de la libération de Georges Ibrahim Abdallah, la prix Nobel de littérature Annie Ernaux, jugeait récemment dans nos colonnes que le maintien en détention du militant était caractéristique d’une justice française aux ordres. “Il y a des gens comme Raoul Salan, Maurice Challe qui ont fait un putsch à Alger en 1961, qui se sont soulevés contre le gouvernement français et qui ont été libérés (en 1968 et 1966 – NDLR). Ils ne sont pas morts en prison, contrairement à ce qui est en train d’être fait pour Georges Ibrahim Abdallah.” Dans un contexte de guerre destructrice à Gaza et au Liban, les partisans de la liberté et des droits des Palestiniens trouvent dans la libération de Georges Ibrahim Abdallah un motif pour poursuivre le combat.

Lina Sankari
L'Humanité du 15 novembre 2024

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