Tout d'abord, je voudrais remercier la Fédération syndicale catalane de nous donner l'occasion d'être avec vous pour discuter de la situation des femmes au Liban, en Palestine et dans la région arabe en général, car le Liban accueille aujourd'hui, en plus de sa propre population, près de 40 % de réfugiés, dont des centaines de milliers de réfugiés palestiniens et quelques deux millions de Syriens déplacés, ainsi que des dizaines de milliers de migrants irakiens et de travailleurs domestiques originaires de plusieurs pays d'Asie et d'Afrique.
Les femmes libanaises, ainsi que celles qui se sont rendues au Liban, subissent actuellement la violence militaire résultant de l'agression sioniste contre le sud et d'autres régions de notre pays. Cette violence a entraîné la mort d'une centaine de femmes et de jeunes filles, en plus des quelque 100 000 autres déplacées avec leurs familles des villes et villages entièrement ou partiellement détruits par les agresseurs sionistes qui ont brûlé les arbres et les récoltes en utilisant du phosphore blanc interdit au niveau international.
À cette violence agressive s'ajoutent d'autres types de violence, notamment la crise économique étouffante qui a débuté en octobre 2019 et qui s'est accompagnée de l'effondrement de la monnaie nationale, de bas salaires, de l'absence de services sociaux et de la fermeture d'institutions, sans oublier la pandémie de Corona et ses effets négatifs... Cependant, le principal facteur de la souffrance des femmes réside dans la violence domestique causée par des statuts personnels confessionnels, en plus des coutumes et des traditions héritées qui, toutes, donnent à l'homme, seul chef de famille, tous les droits au sein de sa famille, et leurs effets sont également visibles dans la violence mortelle, car depuis le début de cette année 2024, plus de cinquante cas déclarés de décès résultent de l'assassinat délibéré des épouses; cela s'ajoute aux cas qui ont été placés sous des titres vagues qui ont aidé les tueurs à se soustraire à leur crime.
Ces statuts personnels ont également le plus fort impact sur les lois civiles libanaises, qui considèrent les femmes comme l'élément le plus faible et sont, par suite, la cause première de la discrimination et de la violence à leur égard dans un certain nombre de domaines, notamment : Le droit à la nationalité, qui est refusé aux enfants d'une femme libanaise mariée à un non-Libanais ; le droit au travail, où le pourcentage de femmes dans la population active ne dépasse pas 27% ; le droit d’empêcher le licenciement, en particulier en cas de mariage et de grossesse; le droit à un salaire égal pour un travail égal ; le droit à l’égalité entre les travailleurs masculins et féminins en termes de position, de rôle et de garanties sociales et sanitaires ; le droit à un rôle égal à celui des hommes au sein de l’administration publique ; le droit d'être représenté au sein des institutions politiques et constitutionnelles (en particulier le gouvernement et le parlement), où les femmes ne sont représentées, aujourd'hui, que par une au sein du gouvernement et six au sein du parlement.
Il convient de noter que ces questions fondamentales suscitent la controverse et la violence de tous les partis sectaires et confessionnels, en particulier contre les campagnes que nous avons menées ces dernières années sous le slogan de la justice entre les sexes (c'est-à-dire l'égalité entre les femmes et les hommes), qui ont été délibérément interprétées par les représentants des confessions religieuses comme « une attaque contre les traditions sociales et religieuses» dans le but de les faire avorter, comme ils l'ont fait lorsque nous avions auparavant lancé le slogan du « Code civil unifié pour les statuts personnels » qui enlève aux chefs confessionnels le pouvoir de diviser les Libanais sur une base sectaire plutôt que sur une base de classe.
Cependant, nous n'avons pas reculé et nous ne reculerons pas devant de tels obstacles, parce que notre lutte est juste et notre but vise à assurer le progrès de notre pays et l’unité de notre pauple.
Quelle est la réponse du mouvement féministe au Liban ? Des mécanismes d'action collective sont-ils créés à travers le projet de coopération syndicale ?
Il convient de noter que le mouvement féministe au Liban a commencé à la fin du dix-neuvième siècle et s'est développé au début du vingtième siècle, mais son expansion était davantage basée sur les slogans des services sociaux que sur la lutte politique des femmes. Bien que le mouvement ait considérablement évolué ces dernières années, tant au niveau des titres de la lutte que de la réponse à la question politique, il reste quelque peu élitiste, car, à quelques exceptions près, il n'est toujours pas intégré au mouvement populaire et syndical, en particulier à ceux qui représentent les orientations de classe de la majorité de la population.
Ces obstacles fondamentaux ne nous ont pas empêchées d’œuvrer dans le sens de rassembler le plus grand nombre d'organisations de femmes, y compris celles affiliées au Conseil officiel des femmes libanaises, ainsi que les groupes de femmes au sein des établissements d'enseignement et des professions libérales (en particulier l'Ordre des avocats, où un comité sur les questions féminines a été créé il y a longtemps), les médias et les activistes politiques.
Et, grâce à plusieurs projets au cours des dix dernières années, notamment le récent projet de coopération syndicale, nous avons pu créer de nouveaux mécanismes et cadres de travail qui reprennent les principaux slogans et s'unissent sous la bannière de la nécessité de changer le stéréotype de la Femme et, aussi, de développer une alternative progressiste à celui-ci, par l'égalité et l'action conjointe à travers les mouvements syndicaux et populaires, tout en s'efforçant constamment de mettre en évidence de nouveaux modèles de femmes, de combattre l'indécision et le défaitisme, et de pousser les jeunes femmes à s'engager dans toutes les formes de luttes économiques, sociales, politiques et idéologiques.
A cet égard, nous voudrions mentionner quelques-uns des mécanismes et des cadres d'action :
- Des Réunions et des rencontres de sensibilisation auxquelles ont participé environ 400 personnes, à l'aide de séminaires et de conférences organisés par l'Association Egalité-Wardah Boutros et la Fédération nationale des syndicats d'ouvriers et d'employés au Liban dans plusieurs régions, en commençant par Beyrouth et en s'étendant au nord et au sud, en plus d'un film documentaire sur la martyre du mouvement syndical, la travailleuse Wardah Boutros, film préparé par « l'Agenda juridique » et actuellement diffusé dans les bibliothèques publiques, expliquant l'histoire du mouvement syndical et le rôle des femmes en son sein, en mettant l'accent sur les complots visant à le diviser, puis à contrôler la Fédération générale du travail par le régime libanais.
- Des ateliers mobiles dans le nord, le sud et à Beyrouth, avec environ 350 participant(e)s, dont des représentant(e)s des principales organisations féminines, syndicales et éducatives au Liban et dans les camps palestiniens, ainsi que des réunions et des séminaires spécialisés, dont un séminaire sur les droits de l'homme qui a élaboré un projet visant à achever la purification des lois civiles de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
- La formation de comités de soutien au projet, composés d'un certain nombre de représentant(e)s des organisations participant aux ateliers (environ 50 représentant(e)s). Ces comités ont pour mission de maintenir la communication et de se déplacer dans leur zone géographique en organisant des réunions avec de nouveaux organismes, en distribuant les publications du projet et en en discutant avec les femmes des quartiers.
- L’implication d’un nombre significatif de maires et de représentants des municipalités dans les ateliers, l'utilisation de centres municipaux pour certaines réunions, et l’accord conclu avec ces municipalités dans le but de contribuer à l'intégration de la question des femmes, d'autant plus que les municipalités constituent une sorte d'autorité exécutive dans leur zone géographique et disposent d'un pouvoir de décision au sein des institutions établies dans cette zone.
- Une action conjointe avec les organisations syndicales et féminines libanaises et palestiniennes dans des occasions clés, en commençant par les manifestations du 1er mai et en terminant par des mouvements et des sit-in de soutien aux peuples libanais et palestinien contre les crimes génocidaires commis par les forces d'occupation sionistes à Gaza, et contre les crimes de meurtre, d'arrestation et de déplacement en Cisjordanie et dans le sud du Liban.
- La publication et la distribution de livres et de films sur le projet, en plus de la création d'une page Facebook pour diffuser l'information.
- La participation d’un certain nombre de parlementaires aux ateliers de travail et la rédaction de mémorandums à soumettre au parlement et au gouvernement.
A la fin, je voudrais ajouter aux remerciements adressés à la Confédération des syndicats de Catalogne (CCOO), un remerciement spécial aux nombreux ami(e)s et représentant(e)s d'organismes officiels, de municipalités et d'organisations de masse catalanes qui ont toujours été à nos côtés et ont soutenu notre lutte féministe, syndicale et politique pour la libération de notre terre, le salut de notre peuple et de tous les peuples arabes en lutte, en particulier l'héroïque peuple palestinien.
Déclaration du Dr. Marie Nassif-Debs
Présidente de l'Association Égalité - Wardah Boutros pour l’Action féminine au Liban.
Au meeting tenu à Barcelone
Mercredi, 17 Juillet 2024
Traduit par l’auteure
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