Sciences Po Paris : les CRS ont évacué dans la nuit des étudiants qui occupaient leur campus en soutien à Gaza

 

À l’image des campus de Harvard et de Columbia, Sciences Po est devenu le théâtre d’un mouvement de protestation contre la guerre à Gaza. © Poitout Florian/ABACA
Les CRS sont intervenus dans la nuit de mercredi pour expulser une centaine d’étudiants de Sciences Po Paris qui avaient planté leurs tentes au sein de leur campus, à l’image des étudiants de Harvard et de Columbia, afin de donner de l’écho à leur révolte face au massacre en cours dans la bande de Gaza et aux tentatives de faire taire en France les voix appelant à un cessez-le-feu. L’Union étudiante de Sciences Po Paris dénonce le « tournant autoritariste sans précédent » au sein de l’école, après cette intervention policière.

Ils ont été délogés manu militari, au milieu de la nuit. Les CRS ont fait irruption mercredi 24 avril pour expulser la centaine d’étudiants de Sciences Po qui avaient planté, sans heurts, ni désordres, leurs tentes dans une cour du campus Saint-Thomas, en fin d’après-midi. Un mouvement d’occupation en signe de révolte contre le massacre en cours dans la bande de Gaza, à l’image de celui qui embrase actuellement les campus de Harvard et de Columbia, aux États-Unis, vent debout contre la politique menée par l’administration Biden dans ce conflit. Cette occupation avait été décidée après une après-midi de débats, de prises de parole et de conférences, où plus de 150 étudiantes et étudiants réunis en assemblée générale ont voté pour occuper le campus situé au 1, place Saint Thomas d’Aquin, dans le 7e arrondissement de Paris.
« La honte ! La honte ! », ont scandé les étudiants, face aux forces de police, arrivées Boulevard Saint Germain dès 21 heures, au sein d’une vingtaine de camions.

« Sciences Po prend un tournant autoritariste sans précédent »
Dans un communiqué publié aujourd’hui dans la matinée, l’Union étudiante de Sciences Po Paris s’est émue de cette intervention policière, qui aurait été décidée par l’administrateur provisoire Jean Bassères « pour expulser de force des étudiant.es qui manifestaient pacifiquement pour la paix à Gaza ». Une décision jugée « choquante et profondément préoccupante ». « En faisant le choix de la répression plutôt que du dialogue face à des étudiant.es mobilisé.es contre un massacre en cours, la direction de Sciences Po prend un tournant autoritariste sans précédent », dénonce l’association.
Une décision qui amplifie la révolte des étudiants confrontés à la « répression croissante du mouvement pro-palestinien à Sciences Po et dans le reste des universités ». Ils s’insurgent plus généralement contre la répression et à la criminalisation en France des voix appelant à arrêter la folie meurtrière du gouvernement israélien.

Annulation d’une autre conférence de Rima Hassan à Dauphine
En témoigne l’annulation d’une nouvelle conférence de Rima Hassan, la candidate de la France insoumise, qui devait intervenir à Paris Dauphine PSL le 6 mai. Une nouvelle défection, qui intervient quelques jours après celle de l’université de Lille, interdite par le préfet du Nord, le jeudi 18 avril, et s’inscrit dans une campagne d’intimidation, faite de convocations policières et de procès pour « apologie du terrorisme ». Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de la CGT du Nord, vient ainsi d’être condamné à un an de prison avec sursis en raison d’un communiqué, publié en octobre dernier, de soutien à Gaza, après la réplique israélienne à l’attaque du Hamas.
Mathilde Panot, députée LFI et présidente de son groupe à l’Assemblée nationale, vient pour sa part d’être l’objet d’une convocation policière également pour « apologie du terrorisme », comme Rima Hassan l’a été avant elle. Cette dernière a apporté, sur son compte X (ex-Twitter) son soutien à l’initiative des étudiants de Sciences Po, leur assurant : « Vous êtes du bon côté de l’histoire. (…) Sans le savoir vous êtes en train de guider nos sociétés. »
Cet événement intervient un mois et demi après l’occupation d’un amphithéâtre de Sciences Po par une centaine d’étudiants manifestant leur soutien à Gaza, qui s’inscrivait dans le cadre de la journée européenne des universités contre le génocide à Gaza, à l’appel de la Coordination universitaire européenne contre la colonisation en Palestine (CUCCP).
Elle avait donné lieu à des accusations, qui se sont avérées non fondées, mettant en cause l’exclusion d’une étudiante juive. Une énième polémique, largement attisée par la bollorosphère, qui avait pris le pas sur l’objet même de la mobilisation, contribuant encore une fois à faire taire toute critique à l’encontre d’Israël. Avec le concours actif du gouvernement. Mercredi 13 mars, au lendemain des faits, le premier ministre Gabriel Attal s’était immiscé dans l’affaire, en se rendant rue Saint-Guillaume pour rencontrer le Conseil d’administration, et avait annoncé saisir la justice, après que le président de la République est lui-même intervenu dénonçant des propos « inqualifiables et parfaitement intolérables ».
Pour l’Union étudiante de Sciences Po Paris, après cette intervention des CRS, « la volonté de reprise en main de l’établissement, annoncée par Gabriel Attal devant le Conseil d’administration après la mobilisation du 12 mars, semble malheureusement déjà à l’œuvre ».

Hayet Kechit
L'Humanité du 25 avril 2024



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