Qui sont les chrétiens de Terre sainte ?

 

Combien y a-t-il de chrétiens en Terre sainte ? La question revient souvent chez les collègues journalistes. Pour ma part je donne peu ou prou les mêmes chiffres depuis dix ans en les mettant en perspective avec les autres groupes religieux.
Ainsi j'annonce : « Pour un pays grand comme la Belgique, on compte : 7 millions de juifs, 7 millions de musulmans et 180 000 chrétiens dont les familles sont présentes ici depuis plusieurs générations, mais nous en avons 200 000 autres sous le coude. » Comme donnée statistique, ça se pose là.
On me demande si on peut appeler le premier groupe « Arabes chrétiens ». Non, car certains ne veulent pas être identifiés comme Arabes. Parmi eux les Arméniens évidemment, certains Syriaques qui se tiennent pour Araméens, ou certains maronites qui revendiquent d'être Phéniciens. Peut-on tenter « chrétiens palestiniens » ? Si leur culture est palestinienne, un certain nombre vivent très bien leur nationalité israélienne, au point de ne pas vouloir être appelés Palestiniens. La raison pour laquelle j'insiste sur leur enracinement ici, c'est que nous avons les autres chrétiens présents en Israël numériquement plus nombreux. Mais l'immense majorité n'a pas vocation à rester car l'État hébreu organise leur roulement à l'aide de visas temporaires. Ce sont les migrants, Philippins, Indiens, issus de plusieurs pays d'Afrique ou du continent européen. Ils seraient quelque 150 000. Une communauté très dynamique, ultra-demandeuse d'assistance spirituelle.
En Israël toujours, il faut compter sur la petite communauté des catholiques et protestants issus du judaïsme. Des juifs convertis donc, accompagnés par des chrétiens de souche qui veulent vivre auprès d'eux une communauté de destin avec Israël. Ils sont peut-être 2 000. Et puis il y a ceux, croyants en Jésus, qui ne veulent pas porter le nom de chrétiens, issu du grec, et lui préfèrent l'appellation hébraïque de « messianiques ». Cela veut dire rigoureusement la même chose mais ils veulent insister sur l'accomplissement en Jésus-Messie du judaïsme qui est le leur. On parle de 20 000 ?
La surprise, c'est que, depuis trente ans, on assiste à la naissance d'une autre communauté. Celle des Israéliens, originaires d'Union soviétique. Qu'ils soient arrivés chrétiens dans le pays mais ayant des ascendances juives, ou qu'ils aient bénéficié d'un rapprochement familial, ou encore - et c'est assez nouveau - qu'ils soient juifs et deviennent chrétiens pour renouer, ici, avec ce qui leur semble être le plus conforme avec « l'âme russe ». Fascinant. Ils sont au minimum 30 000, pour la plupart orthodoxes. Mais il faut aussi compter sur la présence (accrue cette année) d'un contingent d'Ukrainiens, parmi lesquels des catholiques orientaux. La raison pour laquelle les Églises apparaissent, de l'extérieur, se concentrer davantage sur les chrétiens de culture palestinienne, c'est qu'ils sont la minorité religieuse de la majorité ethnique non-juive et qu'ils sont ceux que l'on appelle aussi les chrétiens locaux, dont le seul pays est celui qui les a vus naître.
Oui, c'est compliqué. Le christianisme en Terre sainte, c'est un peu comme la dérive des continents : ça bouge et un jour il n'y en aura qu'un seul. Si Dieu veut.

Marie-Armelle Beaulieu
La Croix du 10 mars 2023

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