Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’est résigné à un recul en consentant le 27 mars une pause dans la réforme des institutions controversée qui chauffe à blanc son pays. L’onde de choc provoquée la veille par ce qu’il considérait comme un acte d’autorité, le limogeage du ministre de la défense, Yoav Galant, a montré combien était émoussé le sens politique qui a été longtemps son principal atout.
Alarmé par des semaines de contestation, le ministre plaidait pour le gel d’une réforme contre laquelle se dresse une bonne partie des forces vives de l’Etat hébreu. Ces dernières estiment que le projet visant ouvertement à affaiblir le pouvoir judiciaire menace ses bases démocratiques. En le chassant sans ménagement, Benyamin Nétanyahou a porté cette mobilisation à l’incandescence et provoqué une nouvelle intervention solennelle du président, Isaac Herzog, précipitant cette pause tactique.
Alors qu’il se faisait fort de neutraliser dans la pratique du pouvoir les éléments extrémistes de la coalition la plus à droite de l’histoire du pays, le premier ministre israélien en est devenu l’otage. Au point de voir sortir la question palestinienne de l’angle mort dans lequel elle était maintenue.
Lorsqu’une partie de la population israélienne a commencé à manifester contre la réforme décriée, elle a tout d’abord refusé d’établir un lien avec la négation quotidienne des droits essentiels des Palestiniens. La sauvegarde de ces droits relève pourtant du même impératif moral que la préservation de ceux qui concernent les Israéliens. Les outrances du ministre des finances, Bezalel Smotrich, un suprémaciste juif qui a justifié une opération punitive conduite par des colons radicaux dans un village palestinien après un attentat, puis nié l’existence même d’un peuple palestinien, ont commencé à dessiller les yeux.
Benyamin Nétanyahou ne peut guère compter sur son expérience des dossiers internationaux pour faire diversion. Avec les Etats-Unis, les relations restent aigres. Joe Biden n’a pas oublié les mauvaises manières du chef du Likoud, lorsqu’il occupait le poste de vice-président, de 2009 à 2017, et qu’il voyait ce dernier jouer le Congrès républicain contre la Maison Blanche démocrate. Le projet de réforme des institutions n’a rien arrangé et Washington rechigne à l’inviter officiellement à la Maison Blanche, ce qui constitue un cinglant désaveu, compte tenu de la centralité pour Israël des relations entre les deux pays.
La récente normalisation entre l’Iran et l’Arabie saoudite sous les auspices de la Chine a porté également un coup sévère à l’ambition de Benyamin Nétanyahou d’isoler Téhéran au Moyen-Orient. Alors que les accords d’Abraham avaient permis en 2020 à Israël de nouer des liens historiques avec Bahreïn et les Emirats arabes unis, l’apaisement entre les deux grandes puissances sunnite et chiite de la région marginalise de nouveau l’Etat hébreu et réduit le premier ministre israélien à un rôle de spectateur.
Alors qu’il est à la tête de cette coalition fragilisée depuis moins de trois mois, la question se pose désormais ouvertement : s’agit-il pour Benyamin Nétanyahou, lesté aujourd’hui par une impopularité record, du mandat de trop ? Les uns après les autres, les facteurs de la longévité sans précédent du patron du Likoud semblent se retourner contre lui. Malgré sa dernière manœuvre, le doute reste entier sur sa capacité à surmonter la crise qu’il a lui-même provoquée.
Le Monde du 29 mars 2023
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