Amorce de détente entre l’Iran et l’Arabie

 

Riyad et Téhéran ont annoncé à Pékin leur décision de rétablir leurs relations diplomatiques, rompues en 2016

Pendant sept ans, la rupture entre l’Arabie saoudite et l’Iran a placé le Moyen-Orient au bord du gouffre. Les acteurs de la région s’accrochaient à l’espoir ténu de voir les deux puissances ennemies reprendre langue pour éviter une déflagration et solder la série de crises et de conflits alimentés par leur rivalité. A la surprise de tous, c’est depuis Pékin que Riyad et Téhéran ont annoncé, vendredi 10 mars, le rétablissement de leurs relations diplomatiques, actant par là même l’ascension de la Chine en tant qu’acteur stratégique dans la région, sur fond de désengagement américain.
Cette détente obtenue après plus de deux ans de pourparlers secrets en Irak puis à Oman, pourrait constituer l’amorce d’un tournant géopolitique. L’accord, qui devrait être finalisé lors d’une prochaine rencontre entre les ministres des affaires étrangères des deux pays, prévoit que Riyad et Téhéran rouvrent leurs ambassades dans un délai de deux mois et qu’ils réactivent les accords sécuritaire et économique qui les lient. Les deux puissances se sont également engagées à ne pas interférer dans leurs affaires internes.
« Le retour à des relations normales entre Téhéran et Ryad offre de grandes possibilités aux deux pays, à la région et au monde musulman » , a assuré sur Twitter le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir Abdollahian, ajoutant que son ministère allait « lancer d’autres initiatives régionales » , renforçant ainsi les spéculations sur de possibles avancées sur d’autres dossiers régionaux, dont le Liban et la Syrie.
Le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale Ali Shamkhani, présent à Pékin, a salué pour sa part « la fin des malentendus » et s’est dit confiant que l’accord contribue « à améliorer la stabilité et la sécurité régionales ». Son homologue saoudien, le conseiller à la sécurité nationale Musaid Al-Aiban, a dit « espérer continuer un dialogue constructif avec l’Iran » , basé sur les « principes du bon voisinage » .
Cosignataire de l’accord, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a souligné la « sagesse » et la « sincérité » des deux pays. La réaction de Washington, éclipsé au profit de la Chine, est plus ambivalente. L’administration américaine a soutenu les pourparlers engagés entre l’Arabie saoudite et l’Iran, sans y être associée. « Il reste à voir si l’Iran remplira ses obligations liées à l’accord. Ce n’est pas un régime habitué à tenir sa parole » , a toutefois déclaré la Maison blanche.
« C’est un pas de plus des Saoudiens loin des Américains, au moment où ils négociaient avec eux des garanties de sécurité. Cela les prive d’un levier sur l’Iran » , estime Joseph Bahout, directeur de l’Institut Issam Fares à l’Université américaine de Beyrouth. Bête noire de Téhéran, les Etats-Unis voient leur rôle de garant de la sécurité régionale remis en cause par Riyad, qui doute de leur capacité et de leur volonté à contenir l’expansion de l’Iran.
La détente amorcée par les deux puissances ennemies ne met toutefois pas fin à leur rivalité. « Pour le moment, il ne faut pas s’attendre à ce que cette entente entre l’Iran et l’Arabie saoudite mène à une véritable réconciliation , estime l’analyste Thomas Juneau, rattaché au Sanaa Centre for Strategic Studies. Il s’agit plutôt d’un accord pour mieux gérer les tensions bilatérales, qui demeurent importantes. » Depuis la révolution islamique de 1979, les deux puissances se disputent la suprématie régionale, chacune se posant en défenseur des deux grands courants de l’islam, le sunnisme pour Riyad et le chiisme pour Téhéran. L’expansion iranienne dans la région a aiguisé leur compétition sur de nombreux dossiers, du Liban au Yémen, en passant par la Syrie et l’Irak.

Le Yémen, une priorité
Le divorce a été consommé en 2016 lorsque l’Arabie saoudite a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran, à la suite de l’attaque de son ambassade à Téhéran par des manifestants iraniens qui protestaient contre l’exécution par Riyad du religieux chiite Nimr Al-Nimr. Les Emirats arabes unis, le Koweït et Bahreïn lui ont emboîté le pas. L’antagonisme entre les deux camps avait été exacerbé par l’entrée en guerre du royaume contre les rebelles houthistes au Yémen en 2015, décidé par Mohammed Ben Salman, l’actuel prince héritier saoudien, qui était alors ministre de la défense. L’Iran a maintenu son grand rival sous pression à travers l’influence qu’il exerce sur le mouvement houthiste. Celui-ci a enchaîné les tirs de roquettes sur le territoire saoudien, tandis que les attaques contre des pétroliers dans le détroit d’Ormuz se multipliaient.
L’attaque de septembre 2019 contre deux des sites pétroliers les plus stratégiques d’Arabie saoudite, par des drones et des missiles, tirés selon les Etats-Unis depuis le territoire iranien, a constitué un tournant. Restée sans réponse des Américains, cette attaque a mis en lumière la vulnérabilité saoudienne et nourri la conviction à Riyad qu’une guerre contre l’Iran serait dévastatrice.
C’est à Bagdad, en avril 2021, que des pourparlers ont commencé. Après cinq rounds de négociations, et deux conférences internationales, tenues dans la capitale irakienne et à Amman, ces discussions ont été suspendues en décembre 2022. Le régime iranien a accusé Riyad d’utiliser ses chaînes satellites pour soutenir les manifestations qui ont embrasé le pays trois mois plus tôt. Les négociations pour rétablir l’accord sur le nucléaire iranien ont également été stoppées face à la répression de la contestation.
Mais la guerre au Yémen, un bourbier pour l’Arabie saoudite, a poussé en faveur d’un rapprochement. La priorité absolue de l’Arabie saoudite est de « trouver un moyen d’avoir un cessez-le-feu permanent au Yémen » , a déclaré jeudi à Moscou le ministre saoudien des affaires étrangères, le prince Faisal Bin Farhan. Les pourparlers entre Saoudiens et houthistes ont repris à partir de l’été 2022 sous l’égide du sultanat d’Oman, qui entretient des liens avec Téhéran et les rebelles yéménites. Les contacts se sont accélérés au début de l’année.
Compte tenu de l’intérêt de la République islamique, déstabilisée par un soulèvement interne, pour une désescalade régionale, ce ballet diplomatique pourrait déboucher sur une trêve plus pérenne au Yémen. Malgré la non-reconduction en octobre de la trêve décrétée en avril 2022 sous l’égide des Nations unies, les houthistes se sont abstenus de toute attaque contre leur voisin du nord.
« Téhéran a probablement dû s’engager à faire pression sur ses alliés au Yémen pour qu’ils soient plus disposés à mettre fin au conflit dans ce pays » , estime Hussein Ibish. « L’Iran n’acceptera pas de cesser son soutien aux houthistes. Téhéran n’abandonnera pas cette importante carte dans son jeu » , nuance Thomas Juneau.

Moment crucial pour l’Iran
L’accord Téhéran-Riyad survient à un moment crucial pour la République islamique. Après avoir fait face à un soulèvement d’une ampleur inédite, Téhéran est confronté à une chute historique de sa monnaie face aux devises étrangères. Des voix s’élèvent, même parmi certains soutiens de la République islamique, pour dénoncer le président ultraconservateur, Ebrahim El-Raïssi, qualifié d’incompétent par un nombre croissant d’Iraniens. Sur la scène internationale, la République islamique est de plus en plus isolée du fait de ses violations répétées de l’accord sur son programme nucléaire.
L’absence d’avancées sur ce dossier semble avoir convaincu Riyad, engagé dans une offensive diplomatique tous azimuts au Moyen-Orient, à manœuvrer pour s’assurer que Téhéran ne dépasse pas certaines lignes rouges. Les tractations avec Téhéran ont été menées parallèlement à une campagne d’endiguement et de dissuasion de l’Iran, conduite de concert avec les Etats-Unis et Israël. « L’engagement des Arabes du Golfe dans cette double politique reflète leur conviction que ni l’endiguement et la dissuasion, ni les efforts diplomatiques de rapprochement ne suffisent à eux seuls à gérer les relations avec les Iraniens » , analyse Hussein Ibish.
L’accord saudo-iranien constitue un accroc dans la stratégie d’isolement de l’Iran du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Un haut responsable israélien a confié à la presse que cet accord ne devrait toutefois pas entraver les efforts de normalisation en cours entre Israël et l’Arabie saoudite ni un rapprochement entre Israël et l’Occident sur la question iranienne. M. Nétanyahou constate que les Occidentaux ont cessé de prétendre négocier sérieusement, sur le fond, avec les Iraniens. Le premier ministre israélien voit la position des Occidentaux se rapprocher de la sienne, à savoir le renforcement des sanctions et la mise en place d’une dissuasion militaire crédible.

Ghazal Golshiri (à Paris), Louis Imbert Hélène Sallon et Madjid Zerrouky (à Paris) Hélène Sallon et Madjid Zerrouky (à Paris)
Le Monde du 13 mars 2023

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The Kuwaiti Progressive Movement welcomes the joint multilateral statement

The Kuwaiti Progressive Movement welcomes the joint multilateral statement between Saudi Arabia, Iran, and the People's Republic of China and considers it a significant step towards détente and good neighborliness in a way that serves the peoples of the region
The Kuwaiti Progressive Movement, based on its orientation calling for establishing the rules of a new international order based on the principles of mutual respect between states and solidarity among peoples, stopping all kinds of wars and resolving differences through dialogue in accordance with the principle of achieving the common interest of peoples, it welcomes the joint tripartite statement of the Kingdom of Saudi Arabia, the Islamic Republic of Iran and the People's Republic of China. The agreement includes agreeing to resume diplomatic relations between Saudi Arabia and Iran, reopening their embassies and representations within a maximum period of two months, and their affirmation of respect for the sovereignty of states, non-interference in their internal affairs, and cooperation between the two countries.
The Kuwaiti Progressive Movement appreciates the positive efforts made by the Chinese President, Comrade Xi Jinping, Secretary-General of the Chinese Communist Party, and the role of the People's Republic of China in reaching this agreement, in line with its peaceful approach.
The Kuwaiti Progressive Movement looks forward to this agreement leading to the completion of tangible steps towards addressing the thorny regional files in accordance with the interests of the peoples of the region, thus blocking the imperialist and Zionist conspiracy that has long sought to fuel tension in our region and preoccupy our peoples and countries in fierce and destructive side battles, and tried to ignite the hateful sectarian strife in them.

Kuwait on 10th of March, 2023

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