Afrique du Sud: décès d'Ahmed Kathrada, vétéran de l'anti-apartheid

Photo de la Fondation Mandela prise le 11 octobre 2010 montrant l'ancien président sud-africain Nelson Mandela (c) entouré par sa fille Zindzi (d) et son ancien compagnon de cellule Ahmed Kathrada (d) à Johannesburg (Afp)

Le discret vétéran de la lutte anti-apartheid Ahmed Kathrada, compagnon de cellule de Nelson Mandela dans la prison de Robben Island, est décédé mardi en Afrique du Sud à l'âge de 87 ans, suscitant une avalanche d'hommages.
Ancien député et conseiller du président Mandela pendant son seul mandat à la tête de l'Afrique du Sud (1994-1999), ce fils d'immigrés indiens faisait partie du premier cercle des dirigeants historiques du Congrès national africain (ANC).
Surnommé "Oncle Kathy", il s'était notamment illustré à la fin des années 1980 lors des négociations entre l'ANC et le régime blanc qui ont abouti au début des années 1990 à la chute de l'apartheid et aux premières élections libres du pays en 1994.
Hospitalisé au début du mois pour une opération au cerveau, l'état de santé d'Ahmed Kathrada s'était dégradé ces derniers jours.
La Fondation Ahmed Kathrada a annoncé mardi matin dans un communiqué qu'il s'était éteint "en paix" mardi matin à l'hôpital Donald Gordon de Johannesburg.
Une des dernières figures encore vivantes de la lutte historique contre l'apartheid, l'ex-archevêque du Cap Desmond Tutu, a salué la mémoire "d'un homme d'une gentillesse, d'une modestie et d'une ténacité remarquables".
"Il a un jour écrit au président (Mandela) pour lui dire qu'il ne se considérait pas comme assez important pour mériter un honneur important", a poursuivi le prix Nobel de la Paix, 85 ans.
Un hommage officiel lui sera rendu et les drapeaux du pays ont été mis en berne jusqu'au soir de ses obsèques, ont annoncé les services du président Jacob Zuma.
"C'est une grande perte pour l'ANC, plus largement pour le mouvement de libération et l'Afrique du Sud", a déploré le directeur de la Fondation Ahmed Kathrada, Neeshan Balton.
"Le camarade Kathy était une bonne âme, humaine et humble", a réagi son compagnon d'armes Derek Hanekom. "C'était un révolutionnaire déterminé qui a voué sa vie entière au combat pour la liberté dans notre pays", a-t-il ajouté.
Né le 21 août 1929 dans une petite ville de ce qui était alors la province du Transvaal occidental, dans une famille d'immigrés indiens de confession musulmane, il avait quitté l'école à 17 ans pour participer à la lutte contre les lois sur l'habitat séparé.
Ahmed Kathrada avait été arrêté en 1963 avec Nelson Mandela, Walter Sisulu et une partie de l'état-major de l'ANC dans leur QG clandestin de Johannesburg et inculpé de sabotage.
Condamné l'année suivante à la réclusion à perpétuité lors du fameux procès de Rivonia, il a rejoint le pénitencier de Robben Island et n'est sorti de prison que vingt-six ans plus tard.
"Il a été ma force en prison, mon guide dans la vie politique et le pilier de ma force dans les moments difficiles de ma vie. Maintenant il est parti", a déclaré un de ces codétenus à Robben Island, Laloo "Isu" Chiba, 86 ans.
Depuis sa retraite politique en 1999, Ahmed Kathrada dirigeait la fondation qui porte son nom pour lutter contre les inégalités.
Il était exceptionnellement sorti de sa réserve politique l'an dernier pour déplorer le chemin pris par l'ANC sous le règne de l'actuel président Jacob Zuma, mis en cause dans une série de scandales de corruption, et pour réclamer sa démission.
"Cher camarade président, ne pensez-vous que rester président ne va que contribuer à aggraver la crise de confiance dans le gouvernement du pays ?", avait-il écrit dans une lettre ouverte.
Malgré cette sortie très polémique, la mort d'Ahmed Kathrada a suscité l'hommage unanime de la classe politique sud-africaine.
L'ANC a déploré mardi la disparition d'un "chef dont le service à son pays restera gravé à tout jamais". "Sa vie est une leçon d'humilité, de tolérance, de résilience et d'engagement tenace", a ajouté le parti au pouvoir depuis 1994.
"Oncle Kathy, comme on l'appelait affectueusement, incarnait un sens profond de la compassion et un engagement déterminé en faveur de la vraie justice", a renchérit Mmusi Maimane, le chef du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique.