Il existe aujourd'hui près de 400 000 colons israéliens en Cisjordanie, annihilant sur le terrain tout hypothéthique État palestinien futur. (Afp)
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Une nouvelle « affaire Dreyfus », une « imposture » ou encore une « illusion très néfaste ». Israël n'a pas eu de mots assez durs pour qualifier la conférence de paix sur le conflit israélo-palestinien. Maintes fois reportée, elle sera pourtant bel et bien organisée ce dimanche à Paris. Sur le papier, le tableau est impressionnant : 75 pays, une quarantaine de ministres des Affaires étrangères, dont le secrétaire d'État américain John Kerry, et des organisations internationales telles que l'ONU, la Ligue arabe ou l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Avec une seule idée en tête : rappeler que la solution à deux États, Israël et la Palestine vivant côte à côte en sécurité, est la seule viable.
« Il y a urgence, car beaucoup estiment que la solution à deux États apparaît aujourd'hui comme irréaliste », confie un diplomate français. En effet, plus de 400 000 Israéliens peuplent aujourd'hui des colonies en Cisjordanie, pourtant considérées comme illégales, selon le droit international. La poursuite tous azimuts de la colonisation, additionnée à la volonté de l'exécutif de légaliser les avant-postes « sauvages » en territoire palestinien, illégaux au regard du droit israélien, anéantit sur le terrain tout hypothétique État palestinien futur.
Face à l'absence de toute perspective, Israël est en proie depuis l'automne 2015 à une nouvelle vague d'attaques palestiniennes. En apparence spontanées et souvent perpétrées à l'aide de couteaux, elles ont coûté la vie à une quarantaine d'Israéliens et fait 250 morts côté palestinien, en majorité des assaillants. Le 8 janvier à Jérusalem, un camion-bélier fonçait sur de jeunes soldats israéliens, faisant quatre morts et de nombreux blessés.
Pour le gouvernement israélien, ces attaques sont le résultat d'une incitation à la violence de la part des dirigeants palestiniens. « Le statu quo n'est pas possible. La tension est très forte », confie le diplomate français. « On voit bien la frustration quotidienne de la population en Cisjordanie avec tout ce qui accompagne l'occupation sur le terrain. Cela engendre de la violence et encore plus de frustration. Et on constate également les difficultés quotidiennes de la population israélienne face au terrorisme. »
Remettre le conflit à l'ordre du jour
À en croire la diplomatie française, il serait donc essentiel de remettre le conflit israélo-palestinien à l'ordre du jour. « Il est important que plus de 70 pays rappellent que la solution à deux États apparaît comme la plus réaliste possible », souligne le diplomate français. « Notamment dans la séquence actuelle. » Le 23 décembre dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a provoqué l'ire d'Israël en adoptant une résolution condamnant la colonisation israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, la première du genre en 37 ans. À la suite de l'adoption de ce texte, rendue possible par l'abstention des États-Unis, le secrétaire d'État américain John Kerry s'est livré publiquement à une rare critique de son indéfectible allié israélien, estimant que la solution à deux États, menacée par les colonies, était « en grave danger ».
Cette mise en garde de l'administration Obama a agacé le président américain nouvellement élu, Donald Trump, qui a d'ores et déjà assuré l'État hébreu de son soutien dès son entrée en fonction le 20 janvier prochain. « Compte tenu des déclarations de l'administration Trump, cela fait sens que la communauté internationale rappelle ce que doit être, selon elle, la solution à deux États, qui plus est à cinq jours de l'investiture », pointe un diplomate français.
La volonté du futur pensionnaire de la Maison-Blanche de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem (en lieu et place de Tel-Aviv, comme la majorité de la communauté internationale, NDLR), ainsi que les nominations de deux fervents partisans de la colonisation israélienne David Friedman et de Jason Greenblatt, respectivement aux postes-clés d'ambassadeur américain en Israël et de représentant spécial pour les négociations internationales, ne laissent guère de place au doute : la nouvelle administration américaine s'annonce comme un soutien indéfectible du gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël.
« Conférence futile » (diplomate israélien)
« Ceux qui ont fait la paix en Israël étaient de droite », rappelle néanmoins Emmanuel Nashon, porte-parole de la diplomatie israélienne. « La grande majorité des Israéliens sont prêts à de vrais compromis s'ils ont en face d'eux une volonté sincère de faire la paix. » En 1978, c'est sous le gouvernement du Premier ministre israélien Menahem Begin (Likoud) qu'Israël a signé un traité de paix avec l'Égypte qui a abouti au démantèlement des colonies israéliennes dans le Sinaï. En 2005, c'est sous Ariel Sharon (Likoud) qu'Israël démantèle entièrement ses colonies à Gaza, tout en poursuivant la colonisation en Cisjordanie.
Toutefois, l'un des poids lourds de l'actuel gouvernement Netanyahu, le nationaliste religieux Naftali Bennett, héros des colons sans qui la coalition au pouvoir imploserait, a d'ores et déjà fait savoir que l'idée d'un État palestinien indépendant était révolue après l'élection de Donald Trump. Le ministre de l'Éducation est notamment favorable à une annexion pure et simple de la zone C de la Cisjordanie (déjà sous contrôle israélien), soit 60 % de la Cisjordanie. « Les colonies n'ont jamais été un obstacle à la paix », insiste pourtant Emmanuel Nashon. « Le conflit israélo-palestinien a commencé bien avant la construction par Israël des premières colonies en 1967. »
Les deux camps ne se parlent plus depuis trois ans et l'échec de la dernière tentative de médiation américaine en avril 2014. Depuis, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se dit prêt à reprendre les pourparlers « sans condition », mais le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas réclame au préalable un arrêt de la colonisation. « Cela fait très longtemps qu'on ne négocie plus, car les Palestiniens refusent tout simplement de négocier », estime le porte-parole de la diplomatie israélienne. « Nous comprenons parfaitement que, côté palestinien, il y ait une objection sérieuse à la colonisation. [...] C'est l'un des sujets qui doivent être discutés dans le cadre de négociations comme le précisent les accords d'Oslo. » Et le diplomate de dénoncer une « conférence de nature futile qui permet une fois de plus aux Palestiniens de ne pas faire face à leurs obligations et de négocier directement avec Israël ».
Nouvelle résolution à l'ONU ?
À Paris, on estime – à juste titre – que les conditions ne sont pas actuellement réunies pour une reprise des pourparlers. « Notre objectif est d'aider les deux parties à recréer la confiance », affirme prudemment un diplomate français. « Il s'agit de leur répéter que la communauté internationale n'est pas là pour leur forcer la main, mais pour les accompagner jusqu'au jour où elles seront prêtes [à reprendre les négociations, NDLR]. » Sous la houlette du brillant diplomate Pierre Vimont, la diplomatie française ne ménage pas ses efforts depuis près d'un an pour asseoir à une même table les deux camps.
Après avoir organisé une première conférence de préparation le 3 juin 2016 sans les principaux intéressés, elle était censée cette fois rassembler la communauté internationale autour des deux protagonistes du conflit. Mais face à l'intransigeance israélienne, elle avait revu ses ambitions à la baisse, ne prévoyant que de présenter les résultats de la conférence le soir même aux deux parties. Or, si le président palestinien Mahmoud Abbas avait répondu positivement, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fait savoir qu'il ne se rendrait pas dans la capitale.
« Cette conférence est une imposture palestinienne sous les auspices de la France et destinée à prendre encore plus de positions anti-israéliennes », s'est emporté, jeudi, le chef du gouvernement israélien, non sans avertir qu'Israël ne « sera pas lié » par les résultats de la conférence. Dans les rangs israéliens, on dit craindre que le texte final, censé rappeler l'attachement de la communauté internationale à la solution à deux États, ne serve de base à une nouvelle résolution onusienne qui serait votée juste avant l'entrée en fonction de Donald Trump.
Reconnaissance de la Palestine
« Ce serait le scénario catastrophe », admet un diplomate israélien. « On a l'impression que tout le monde se précipite avant le 20 janvier pour changer la réalité et essayer d'imposer à la nouvelle administration américaine une réalité fondée sur des textes. » À Paris, on dément totalement toute volonté de porter le texte final à l'ONU. « Ce n'est pas notre intention compte tenu des délais brefs », assure un diplomate. « Le processus de paix israélo-palestinien n'ayant pas fait l'objet de beaucoup de résolutions du Conseil de sécurité, il faut savoir être économes de nos initiatives. »
Face à l'impasse dans lequel se trouve cet épineux dossier, un collectif d'anciens ambassadeurs français vient de réclamer, dans une tribune publiée par Le Monde , la reconnaissance unilatérale par la France de l'État de Palestine, comme Paris s'y était engagée en 2014, en cas d'échec de son initiative d'ici deux ans, avant de reculer sous la pression de « plusieurs de ses partenaires ». « Nous nous sommes rendu compte que cela compliquait notre travail et qu'il fallait la dissocier de notre initiative de paix », confie un diplomate français. « C'est un fusil à un coup, il faut que la reconnaissance intervienne à un moment où elle consolidera le processus de paix. Mais cela ne signifie pas que la question ne se posera pas. »
Pour l'heure, l'intransigeance israélienne a payé. L'Élysée a fait savoir jeudi soir que Mahmoud Abbas serait reçu à Paris dans les prochaines semaines, et non à l'issue de la conférence de Paris, ôtant encore plus d'intérêt à une conférence qui en manque déjà cruellement.
(13-01-2017 - Armin Arefi)
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