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| Un bombardier russe Soukhoï Su-35 à la base militaire risse de Hmeimim, en Syrie, le 4 mai 2016 (Afp) |
Plus d'un an après le début de son intervention militaire, la Russie continue de renforcer sa présence militaire et son arsenal en Syrie pour mener des raids aériens notamment à Alep, malgré les critiques des Occidentaux.
En mars, Vladimir Poutine avait annoncé le retrait d'une partie de son contingent. Mais les armes et les navires de guerre continuent d'affluer, au moment où le règlement politique du conflit est dans l'impasse et le désengagement américain laisse le champ libre à la Russie. Voici l'inventaire du dispositif militaire russe :
Combien de militaires ?
Quelque 4.300 militaires sont déployés en Syrie. Pilotes de chasse, artilleurs, commandos de marine, mais aussi simples cuisiniers, vivent dans leur majorité sur la base aérienne de Hmeimim, près de Lattaquié, le fief de Bachar al-Assad dans le nord-ouest de la Syrie.
Des "conseillers" militaires russes ont également aidé sur le terrain l'armée syrienne à manier les pièces d'artillerie dans plusieurs localités.
Une vingtaine de militaires russes ont péri en Syrie depuis le début de l'intervention le 30 septembre 2015. Mais la presse russe indépendante s'est fait l'écho de la présence de mercenaires russes et de pertes dans leurs rangs, notamment lors de la reprise de la cité antique de Palmyre par les forces syriennes soutenues par l'aviation russe.
Tout récemment, le ministère de la Défense a élaboré une ébauche de projet de loi permettant pour la première fois la création de contrats "à court terme" pour les militaires engagés dans des opérations "contre les terroristes hors de Russie". De facto, ces contrats de six mois à un an faciliteraient l'envoi en Syrie de soldats des forces spéciales à la retraite rempilant pour une courte période.
Avions de chasse et bombardiers
L'aviation russe est le bras armé de l'intervention russe. Objet de fierté pour les Russes, qui ont célébré leurs pilotes "héros" de la campagne de Syrie, elle est le synonyme de destruction et d'effroi pour les civils syriens touchés, selon les Occidentaux et l'opposition syrienne, par les redoutables bombes lancées par les avions russes ou syriens, notamment à Alep.
Une cinquantaine d'avions avaient été déployés sur la base de Hmeimim avant l'annonce en mars du retrait d'une partie du contingent russe. La semaine dernière, le quotidien Izvestia a rapporté l'arrivée d'un groupe de Su-25, des avions d'attaque utilisés pour accompagner une offensive terrestre.
En douze mois, la base de Hmeimim a vu passer bombardiers et avions d'attaque au sol, Su-24, Su-25, Su-30 ou chasseurs de quatrième génération Su-35, les derniers nés des usines russes. L'armée russe a également recours à des dizaines d'hélicoptères de combat, principalement des Mi-24 d'attaque et des Mi-8.
Elle peut également faire décoller des bombardiers Tu-22 depuis la Russie pour procéder à des frappes au-dessus de la Syrie. Et, s'est encore félicité jeudi le ministère russe de la Défense, des bombardiers Tu-160 avaient tiré depuis le territoire russe des missiles de croisière X-101 d'une portée de 4.500 km.
Navires et batteries antiaériennes
Pour assurer la défense de sa base de Hmeimim, la Russie a déployé en novembre 2015 les batteries de défense antiaérienne ultra-modernes S-400. Ces systèmes permettent notamment de répondre à une attaque aérienne. L'armée a également déployé des moyens mobiles de défense antiaérienne (Pantsir et Tor M1).
Et alors que les relations se sont tendues avec Washington après la décision de l'administration américaine de rompre les négociations visant à l'instauration d'un cessez-le-feu en Syrie, le Kremlin a ordonné le déploiement de batteries de défense antiaérienne S-300 pour compléter son dispositif à Tartous, où il dispose d'installations portuaires.
Avec ses S-300 et ses S-400, la Russie s'assure ainsi une défense complète de ses deux points d'ancrage en Syrie. Cette mesure, cohérente du point de vue militaire, suscite néanmoins l'inquiétude à Washington. Les rebelles et jihadistes ne disposant pas d'avions, les S-300 et S-400 sont de facto positionnés pour répondre à la présence dans les airs des avions de la coalition menée par les Etats-Unis et des navires de guerre occidentaux en mer Méditerranée.
Le porte-parole de l'armée russe, le général Igor Konachenkov, a d'ailleurs mis en garde les "stratèges américains" : la portée des S-300 et S-400 leur permet d'atteindre "tout aéronef non identifié".
Trois corvettes dotées de missiles de croisière vont rejoindre la flottille russe dans la zone. Une d'elles, le Miraj, transporte des missiles antinavire. Et dans les prochaines semaines, l'unique porte-avions de la Marine russe, l'Amiral Kouznetsov, sera également sur place avec la force de frappe que constituent ses dizaines d'avions embarqués.
Par ailleurs, des sous-marins ont été utilisés durant les douze derniers mois pour frapper des "cibles terroristes" en Syrie, mais le ministère de la Défense n'a rien dit récemment sur leur éventuelle présence.
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Rien ne peut justifier le "déluge de feu sur Alep", dit Ayrault à Lavrov Le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault a déclaré jeudi à son homologue russe Sergueï Lavrov que "rien ne saurait justifier le déluge de feu" sur Alep, cible d'intenses bombardements du régime syrien soutenu par l'aviation russe.
"Rien ne saurait justifier le déluge de feu et de morts" sur Alep, a lancé M. Ayrault à l'issue d'une rencontre à Moscou, estimant que la Russie, fidèle alliée du régime syrien, "ne peut tolérer cette situation".
"La France s'indigne mais ne se résigne pas", a martelé le ministre français. "J'ai rencontré Sergueï Lavrov pour lui redire les yeux dans les yeux que personne ne peut tolérer cette situation. La France ne peut pas le tolérer, la Russie ne peut pas le tolérer non plus", a dit M. Ayrault.
Pour sa part, le ministre russe des Affaires étrangères a indiqué être "prêt à travailler" au projet de résolution sur un cessez-le-feu à Alep, proposé par la France à l'ONU.
Le responsable russe pose toutefois comme conditions que la résolution ne contredise pas les "approches de principes fixées dans des accords russo-américains" et tienne compte des "décisions déjà prises par le Conseil de sécurité de l'ONU et par le Groupe international de soutien à la Syrie".
La France, qui tente de faire revenir le thème de la Syrie devant le Conseil de sécurité, a confirmé mercredi son intention de déposer d'ici la fin de la semaine une résolution pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu à Alep.
Pour cela, M. Ayrault est venu en urgence à Moscou avant de se rendre vendredi à Washington.
Les quinze membres du Conseil de sécurité étudient depuis lundi ce projet français, qui demande un arrêt des bombardements dans la deuxième ville syrienne et propose un mécanisme de supervision d'une trêve.
La résolution française est la dernière tentative en date pour tenter de contraindre Damas et son allié russe de cesser leurs bombardements massifs sur Alep, qui visent à reprendre les quartiers contrôlés par l'opposition. Paris a qualifié ces raids aériens d'"atteintes intolérables" à la population syrienne.
Les cinq membres permanents du Conseil, qui ont droit de veto (Etats-Unis, Russie, Royaume-uni, France, Chine), se sont déjà réunis vendredi pour discuter de la proposition française.
La Russie avait dit initialement ne pas soutenir ce projet qu'elle considère comme "politisé", sans pour autant annoncer officiellement qu'elle mettrait son veto.
Le texte appelle à rétablir un cessez-le-feu afin de permettre un accès humanitaire à la population assiégée des quartiers rebelles d'Alep, et à interrompre les survols de la ville par des appareils militaires.
L'ONU a déclaré mercredi Alep-est "zone assiégée" et estime que 275.000 personnes vivent dans cette zone.
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Alep-est pourrait être totalement détruite d'ici la fin de l'année L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie a prévenu jeudi que les quartiers rebelles d'Alep risquaient d'être "totalement détruits" d'ici la fin de l'année si le régime et la Russie poursuivaient leur vaste offensive militaire. Cette opération aéro-terrestre continuait sans répit jeudi avec la reprise de nouvelles positions rebelles par les forces loyales au régime de Bachar el-Assad.
Leur avancée s'accélère malgré l'annonce par Damas mercredi soir d'une réduction de l'intense campagne de bombardements menée depuis plus de dix jours. Cette offensive alarme de nombreux pays et l'ONU, dont l'envoyé spécial Staffan de Mistura, qui tente en vain depuis des mois de promouvoir une issue politique à ce conflit meurtrier. "Dans deux mois, deux mois et demi au maximum, à ce rythme, la partie est d'Alep risque d'être totalement détruite", a-t-il prévenu lors d'une conférence de presse. "Nous parlons de la vieille ville en particulier, et des milliers de civils syriens vont être tués", a-t-il ajouté.
250 000 à 275 000 personnes, selon les estimations, sont toujours présentes à Alep-est, totalement assiégée par les troupes du régime et inaccessible à l'aide internationale. Staffan de Mistura a précisé que 376 personnes avaient été tuées et 1 266 autres blessées par les bombardements menés depuis le 22 septembre par l'armée syrienne et son alliée russe. Cette offensive avait été lancée après l'échec le 19 septembre d'un cessez-le-feu, qui aurait pu mener Moscou et Washington à coordonner leurs frappes aériennes en Syrie, après avoir tenu moins de dix jours.
Ces derniers jours, les raids se sont calmés au fur et à mesure que se développait l'offensive terrestre qui a permis aux troupes pro-régime d'avancer dans l'est d'Alep. Ces dernières heures, "il y a eu de très violents combats" mais "pas de frappes" aériennes, a indiqué jeudi Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). "Les forces du régime se sont emparées de six positions majeures" dans le quartier de Boustane al-Bacha, dans le nord de la zone rebelle, a-t-il ajouté. Environ la moitié de ce quartier est désormais sous le contrôle des forces du régime qui progressent également vers le quartier voisin de al-Halak à partir du nord. Il s'agit d'une avancée "sans précédent" du régime depuis la reconquête en 2013 de quelques secteurs repris aux rebelles, a souligné l'OSDH.
L'armée syrienne avait annoncé mercredi avoir réduit ses bombardements notamment "pour permettre aux civils qui veulent partir d'atteindre des zones sûres". C'est de la "propagande" pure, souligne Emile Hokayem, de l'International Institute for Strategic Studies, selon qui "le régime et ses alliés ont pris la décision de conquérir autant de secteurs rebelles que possible et ils travaillent à cela".
Selon Thomas Pierret, expert de la Syrie, cette décision de Damas pourrait être un moyen de faire baisser la pression internationale après le tollé suscité par l'offensive à Alep. L'offensive a "dopé en Occident les défenseurs d'une approche plus dure" sur la Syrie, souligne-t-il. C'est le cas en particulier des États-Unis qui ont interrompu lundi leurs discussions avec Moscou sur le rétablissement d'un cessez-le-feu, même si les contacts sont maintenus entre le secrétaire d'État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov.
Pour tenter de sortir de l'impasse diplomatique, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault est attendu à Moscou jeudi puis à Washington vendredi. Jean-Marc Ayrault, qui veut pousser un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur un cessez-le-feu à Alep, entend dire aux responsables russes que la situation est "choquante et honteuse", et qu'"il faut arrêter le massacre". Les 15 membres du Conseil de sécurité étudient depuis lundi le projet de résolution français, qui appelle à rétablir un cessez-le-feu à Alep pour permettre un accès humanitaire aux quartiers assiégés.
La Russie est "prête à travailler sur ce projet, a indiqué jeudi Sergueï Lavrov. Staffan de Mistura a évoqué jeudi une autre piste en lançant un appel aux combattants de l'organisation djihadiste Front Fateh al-Cham (ex-Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda) pour qu'ils quittent l'est d'Alep. "Si vous décidez de partir en dignité et avec vos armes (...) je suis personnellement prêt à vous accompagner", a affirmé le diplomate, indiquant qu'il y avait au total environ 8 000 combattants dans l'est d'Alep, dont 900 du Front Fateh al-Cham.
Ailleurs en Syrie, au moins 29 rebelles ont été tués et 20 autres blessés jeudi par une explosion dans la province d'Idleb (nord) à la frontière turque, selon l'OSDH. Le groupe Daech a revendiqué cette attaque visant les forces participant à l'opération "Bouclier de l'Euphrate", lancée le 24 août par la Turquie.
(06-10-2016 - Avec les agences de presse)
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