À Gaza, les lauréats du programme Pause vivent toujours dans l’attente d’une évacuation

 

Le programme Pause, lancé en 2017, vise à protéger les artistes et les chercheurs palestiniens menacés, mais les blocages politiques et administratifs freinent aujourd’hui leur sortie de Gaza© Rizek Abdeljawad/XINHUA-REA
En novembre 2024, 22 lauréats du programme Pause, qui vise à évacuer des artistes et scientifiques menacés dans leur pays, se retrouvaient bloqués à Gaza. Un an et plusieurs appels à la mobilisation plus tard, les évacuations sont toujours à l’arrêt.
Voilà maintenant un an qu’ils sont bloqués à Gaza, l’horizon d’un départ toujours en vue, mais s’éloignant sans cesse à mesure que les jours avancent. Vingt-deux familles plongées dans une attente que l’on devine insoutenable, alors que l’armée israélienne poursuit ses opérations génocidaires en Palestine.
Lancé en 2017, fruit de la collaboration entre l’État, le Collège de France, plusieurs établissements d’enseignement et de recherche et des institutions culturelles, le programme Pause offre une précieuse sortie de secours aux artistes et chercheurs bloqués sous les bombes et en constant danger de mort.

Mobilisation des associations pour relancer les départs
Depuis octobre 2023, ce sont 47 lauréats qui ont été reçus en France, souvent avec leurs enfants et leurs conjoints, le visa « talent » délivré par le programme Pause permettant l’évacuation des familles.
Mais, en mai dernier, 350 universitaires pointaient du doigt le blocage des dossiers à la suite de la mort, sous les bombes israéliennes, de l’architecte Ahmed Shamia, bloqué à Gaza alors que l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Val de Seine se tenait prête à le recevoir.
Puis, en août, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, décrétait une halte totale des évacuations de Gazaouis vers la France à la suite de l’instrumentalisation par la droite de posts Facebook antisémites attribués à une étudiante gazaouie exilée à Lille.
La levée de cette suspension a fini par être entérinée par l’administration en octobre après la mobilisation de plusieurs associations, permettant la reprise de l’accueil d’étudiants gazaouis. Mais aucune nouvelle du côté du programme Pause, qui a pourtant réussi à retrouver un budget normal pour l’année 2025 (aux alentours de 7 milliards d’euros) après avoir tiré la sonnette d’alarme en juillet.

Le blocage politique freine l’espoir des réfugiés
« C’est une situation sans précédent, déplore Laura Lohéac, directrice exécutive du programme au sein du Collège de France. On n’a aucune visibilité, aucune indication sur une potentielle sortie des lauréats. Les négociations ont lieu au niveau diplomatique et nous n’avons aucune prise dessus. C’est d’autant plus compliqué que l’on a peu d’informations et pas de perspectives. »
Il y a deux mois, le Quai d’Orsay disait attendre l’aval d’Israël. Sur le terrain, le constat est fait d’une difficulté objective à faire sortir les familles. Néanmoins, l’histoire du programme Pause est celle de volontés politiques situées, d’une « chaîne de solidarité, avec des personnes déterminantes à des positions stratégiques, qui font que les choses adviennent », comme l’explique sa directrice.
Dans leur globalité, les raisons d’un tel blocage restent donc floues. Mais celui-ci révèle, de fait, une situation d’hostilité généralisée dans laquelle la décision d’août, même si elle a été révoquée, marque un précédent à l’échelon de l’État. « Il y a eu une évolution du discours et des positionnements. On trouve ponctuellement des personnes très mobilisées, à Paris et sur place. Mais, dans le contexte général, on sent aujourd’hui une frilosité qui n’a rien à voir avec l’élan qui pouvait exister avant l’été », constate Laura Lohéac. Cette frilosité, l’instrumentalisation des accusations d’antisémitisme et les campagnes de diffamation lancées par l’extrême droite contre plusieurs lauréats du programme Pause l’entretiennent savamment.

Samuel Gleyze-Esteban
L'Humanité du 30 novembre 25

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