Pour Alger, Emmanuel Macron dédouane l’État français

 

Plus que des « crimes inexcusables », les Algériens attendaient la reconnaissance d’un « crime d’État ». Ils estiment que Papon n’est pas le seul responsable devant l’histoire.
Comment les Algériens réagissent-ils à la commémoration des massacres du 17 octobre 1961 ? L’initiative, sans précédent, intervient dans un contexte de crise entre Paris et Alger. Le commentaire de Macron sur la « rente mémorielle » entretenue par un « système politico-­militaire » a piqué au vif les dirigeants algériens. L’ambassadeur en France avait ainsi été rappelé au début du mois d’octobre à la suite de ces propos. S’exprimant au sujet de l’événement, le lendemain du geste de Macron, le président Tebboune estime que cette répression épouvantable « révèle l’horreur des massacres abjects et des crimes contre l’humanité qui resteront gravés dans la mémoire collective ». Il a par ailleurs décrété que tous les 17 octobre, désormais, les Algériens observeront une minute de silence en hommage aux victimes. La question de la mémoire devrait être traitée avec « sérieux » et « sobriété », « loin de toute concession », affirme le chef de l’État algérien. À l’évidence, l’heure n’est pas encore à l’apaisement entre les deux pays sur cette question sensible.
« Les déclarations de Macron auraient eu sans doute une tout autre portée hors de la tension qui prévaut. Ses égarements sur le thème de la nation algérienne ont empoisonné le climat diplomatique et hypothéqué tout développement dans le bon sens. Il faut attendre », souligne Hafid Ziani, haut fonctionnaire à la retraite joint au téléphone. « Ce n’est pas tant la cérémonie en elle-même qui fait débat ici, sur ce plan, il n’y a rien à dire, mais plutôt les allégations de Macron. Ce dernier a renoué avec le péché mignon de ses prédécesseurs, c’est-à-dire dédouaner l’État français. Tout comme eux, il charge le seul Papon comme si c’était un franc-tireur. Il reconnaît certes le caractère inexcusable, mais il n’implique pas l’État françai s, comme si son sinistre préfet en était déconnecté. Comme s’il n’avait rien à voir avec lui. C’est ahurissant, absurde même. C’est ainsi que les choses sont largement perçues », explique le journaliste Noureddine Fethani. La presse locale, quant à elle, se fait l’écho de ce sentiment dominant. « Macron ne voulait pas aller plus loin que cette reconnaissance formelle, écrit l’éditorialiste du quotidien Liberté, car, peut-on supposer, un pas de plus dans la reconnaissance d’un crime d’État induit des dédommagements des victimes ou de leurs descendants. (…) Un préjudice moral pour le pays qui porte cette période de son histoire comme une hantise ».

Nadjib Touaibia
L'Humanité du 18 octobre 2021


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